Auguste Pavie

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Voyageur de la 3e vague d’exploration de l’Indochine, après Mouhot et Garnier.

Au Cambodge :


« L’entraînement que je subissais pour les choses khmères alla désormais en augmentant. L’étonnement causé par une civilisation, sinon dédaignée, du moins à laquelle je n’avais pas donné l’attention qu’elle méritait, fit naître en moi un besoin impérieux de mieux connaître ce peuple au passé colossal voilé d’ombre et d’étudier son sol.
Il se trouvait que, pour la satisfaction de mes désirs, j’étais vraiment servi à souhait. En effet, dans ce district de Kampot, les trois races cham, chinoise et annamite vivent côte à côte avec les Cambodgiens, offrant des points précieux de comparaison pour l’observateur ; des sauvages même, épave d’origine inconnue, s’y rencontrent encore. La nature s’est complu à y réunir dans la disposition du terrain ses manifestations les plus susceptibles d’agir sur l’imagination. Les montagnes les plus hautes du Cambodge s’y élèvent, recouvertes de forêts vigoureuses, peuplées de fauves ; de leurs replis s’échappent en cascades bruyantes des torrents sans nombre, allant former un petit fleuve large sitôt qu’il est en plaine et qui, avant d’arriver à la mer, a un port sur ses rives. Et cette mer, c’est le golfe du Siam, béni des pêcheurs d’écaille, de nacre et d’holothuries ! Avec des îles immenses à l’horizon, elle s’étale devant l’embouchure du cours d’eau en une vaste rade sur laquelle, en ce temps exempt de douanes, dix à douze jonques chinoises, trop fortes pour remonter la rivière, étaient mouillées la moitié de l’année. Elle découpe la côte en pointes aiguës, en baies profondes, amasse ici des sables en plages, se confond là avec le sol naissant dans des marais encombrés de palétuviers, enfants de l’alluvion, prodigieux auxiliaires des formations de terres nouvelles. À droite et à gauche, les contreforts des monts viennent mourir dans ses flots ; entre les hauteurs, une plaine, riche delta du petit fleuve, cultivée en rizières et couverte de palmiers à sucre dans ses parties basses, est chargée de plantations de poivre, d’aréquiers et de bétel dans celles qui avoisinent les pentes. Et sur cet ensemble, tantôt le ciel gris ardent des régions torrides, tantôt le ciel bleu des nuits étincelantes d’étoiles, tantôt le ciel noir des orages !
Par l’effort constant de suggestion d’une population aimable qui demandait l’affection et par la contemplation d’une nature toute d’empoignantes oppositions, remarquable ici par son développement civilisé, là par sa sauvagerie, une transformation profonde s’opéra en moi ; je fus pris de passion et pour l’une et pour l’autre. »


Extrait de :

Passage du Mékong au Tonkin
(p. 60-61, Transboréal, « Le génie des lieux », 2006 ;
« Voyage en poche », 2018)

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