Vadim Toumanov

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Moscou (Russie)
Année 2016
© Éditions Librika, Nijni-Novgorod (Russie)
Ancien condamné du Goulag et fondateur de coopératives d’extraction d’or dans la Kolyma. Ami et inspirateur de Vyssotski.

Né à Belaïa-Tserkov, dans l’Ukraine soviétique, en 1927, Vadim Ivanovitch Toumanov intègre l’École de marine de Vladivostok et en sort, à la fin de la guerre, avec un diplôme d’officier de la marine marchande. Il effectue plusieurs traversées dans les eaux de l’hémisphère Nord, notamment vers la Chine, la Corée, les États-Unis d’Amérique ou la Scandinavie. Sportif, il pratique la boxe de haut niveau. Curieux, il se gave de lecture et de poésie. Il rêve de devenir capitaine au long cours. Ainsi entre-t-il dans la vie : marin, boxeur, poète, tel un héros de Jack London.

Le goût de Vadim Toumanov pour l’œuvre du poète Sergueï Essenine, considéré comme séditieux, le rend suspect aux yeux des autorités soviétiques. Cela suffit à le faire condamner à huit années de goulag, en 1949, en application de l’article 58 du Code pénal, alors en vigueur, qui réprime les « traîtres » et autres « ennemis du peuple ». Il est envoyé au Goulag, en Kolyma, dans les confins nord-est de la Sibérie. Les conditions sont telles qu’il dira : « Par rapport au Goulag, je regarde l’Enfer de Dante comme un hôtel cinq étoiles… » De cet enfer, il tire un récit inouï, noir, mais impressionnant d’énergie. Il fait huit tentatives d’évasion qui lui valent une prolongation de sa peine, portée à vingt-cinq ans.

En 1953, Vadim Toumanov apprend par un gardien de camp que « la Moustache [Staline] a cassé sa pipe ». Il devra, cependant, attendre le 12 juillet 1956 pour être libéré et blanchi. Une fois libre, il épouse Rimma, rencontrée la nuit du Nouvel An de cette année-là. Il reste en Sibérie et se lance dans l’extraction d’or en montant des artels. Ces coopératives de production seront prospères, puisqu’elles produiront au total 500 tonnes d’or. L’ancien forçat essaie de composer avec le socialisme d’État en promouvant un capitalisme social. Cette conception lui attire des ennuis. En 1964, 1967 et 1970, il fait l’objet d’inculpations et d’arrestations pour « recours à des méthodes de gestion capitaliste », « dilapidation de trésorerie » ou « manquement à l’obligation de permis de résidence ». Il est à chaque fois relaxé.

En 1973, Vadim Toumanov rencontre le célèbre poète, chanteur et acteur Vladimir Vyssotski, avec lequel il se lie d’une amitié devenue légendaire. Le chercheur d’or écrit dans les pages de son autobiographie : « Toutes ces choses que mes amis et moi discutions jusqu’à nous en déchirer la glotte, il le criait au pays entier, sa guitare entre les mains ! Il nous semblait que notre rejet intérieur du régime ne pouvait être mis en phrases, que nous n’avions pas les mots qu’il fallait pour traduire nos contrariétés, notre amertume, notre protestation alors que lui puisait inlassablement ces mots dans la source profonde de la mémoire séculaire du peuple. » Quant au personnage de Toumanov, il fascine Vyssotski qui s’en inspire, notamment, dans des chansons comme L’Évasion à l’arraché ou Tout petits nos mères nous faisaient peur :/Qui désobéit va en Sibérie (1977). Il s’en inspire encore pour ébaucher, avec Leonid Montchinski, un proche de Toumanov, le roman Cierge noir sur le monde du crime en Kolyma, qui sera achevé par Montchinski en 1992 et ne paraîtra pas du vivant du barde russe, mort en 1980.

Vadim Toumanov fréquente d’autres artistes comme le cinéaste Stanislas Gorovoukhine et le poète Evgueni Evtouchenko avec lequel il se rend sur ses anciens lieux de bagne en 1977, où il retourne aussi vingt ans plus tard avec le documentariste allemand Dietmar Dietmann.

En 1979, Vadim Toumanov s’installe dans l’Oural polaire pour fonder l’artel Petchora qui, outre la prospection géologique, se consacre à la construction de routes et de bâtiments. L’aile dure de la direction soviétique mène, en 1987, une campagne médiatique et judiciaire contre lui. Il est alors voué à l’opprobre public. Son artel Petchora est démantelé par décret gouvernemental. Il est très affecté par ce lynchage qu’il considère alors comme « l’épisode le plus terrible de [sa] vie ». Il évoquera même le pic de la répression stalinienne : « Pire qu’en 1937 ». L’année suivante il bénéficie d’un non-lieu. Mais l’acharnement judiciaire se poursuit. Il fait l’objet de nouvelles accusations. Des perquisitions ont lieu à son domicile. Son épouse Rimma qui, pour raisons de santé, vit à Piatigorsk, dans le Caucase-Nord, n’est pas épargnée. Elle est licenciée de son poste de présentatrice de télévision.

À partir de 1990, Vadim Toumanov prend part à la réorganisation industrielle de la Russie, en apportant de nouvelles idées. Il crée la société Toumanov & Cie. Il perd sa femme, Rimma, en 2008, laquelle, avant de mourir, lui dit : « Écris ta vie, mais sans toutes ces bagarres. » C’est chose faite en russe en 2016, mais avec aussi tous ses combats et bagarres, fussent-ils dans l’enfer de la Kolyma où il a affronté la pègre.

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