Jacques Arnould

Un rêve d’enfant :

« J’ai eu la chance de saluer Buzz Aldrin, le deuxième homme à avoir marché sur la Lune ; c’était en 2013 à Flagstaff, en Arizona, entre le Meteor Crater et le Grand Canyon. Il portait autour du cou l’une de ces cravates-lacets appréciées par les cow-boys et, au doigt, une lourde chevalière comme en affectionnent les mâles américains passés par l’université ; c’est grâce à elle – et à la silhouette de ce fringant vieillard – que j’ai reconnu Aldrin, trois ans plus tard lors d’une autre réunion académique, alors qu’il me tournait le dos pour mieux écouter un exposé sur les projets de vol vers Mars. La célébrité est décidément une chose bien étrange. Je ne parle évidemment pas au nom de celles et de ceux qui en sont auréolés – et l’auréole d’Aldrin est particulièrement scintillante –, mais de l’attitude qu’elle provoque auprès de nous autres qui en sommes dépourvus. En quoi avoir rencontré Aldrin, lui avoir rapidement serré la main, alors que j’ai l’occasion d’avoir de réels échanges et parfois de travailler avec des astronautes français, en quoi cette rencontre avec le deuxième homme d’Apollo 11 mérite-t-elle d’être rapportée ? Même si je crois échapper à de nombreux rites par lesquels nos sociétés accompagnent leurs vedettes proclamées, bien souvent des avatars de pratiques ancestrales et religieuses, je reconnais qu’avoir approché Aldrin a été un instant furtif mais émouvant : n’avait-il pas, quarante-quatre ans plus tôt, foulé le sol de la Lune ? J’ai pu, le soir venu, la regarder, cette Lune, et imaginer que cet homme s’y était rendu, y avait brièvement séjourné, avait regardé la Terre… avant de revenir sain et sauf. Une mission, une aventure qui avait été suivie par des milliards d’humains, dont le petit garçon de 8 ans que j’étais alors, grâce à des moyens de communication quasi préhistoriques en comparaison de ceux dont nous disposons aujourd’hui. »