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À Chorges – Hautes-Alpes (France)
Année 2020
© Anthony Komarnicki
Ingénieur, passionnée de sports et d’activités de pleine nature, rédactrice en chef de Carnets d’aventures.

Les Écrins depuis ma sellette :


« Un coup d’œil à mon altimètre, 4 034 mètres. Encore quelques tours. Devant moi, deux de mes compagnons franchissent la barre des Écrins. Les doigts tremblant d’émotion, je saisis mon appareil photo pour immortaliser ce moment. Bientôt, nous voilà à plus de 4 200 mètres, surplombant d’une centaine de mètres le toit des Alpes du Sud. Je peine à le concevoir. La barre est si petite, et pourtant si impressionnante… La grande langue du glacier Blanc s’étire désormais sous nos ailes. Nos radios portatives nous permettent de discuter de la suite du plan de vol : c’est décidé, nous tenterons d’aller jusqu’à La Meije ! Je profite de ces courts échanges avec mes compagnons pour partager mon excitation. “C’est fou, ce vol”, bredouillé-je sans parvenir à verbaliser finement les émotions qui me traversent. Nous survolons la Roche Faurio, un sommet à 3 730 mètres que j’avais gravi quelques années plus tôt. La section sommitale nécessitant quelques pas d’escalade facile m’avait enthousiasmée à l’époque, tout comme la vue vertigineuse que le sommet offre sur la vallée suivante qui m’avait alors parue lointaine et sauvage ! Plus loin, nous “enroulons” à nouveau le thermique devant la Grande Ruine, et l’incroyable voyage se poursuit. Nous apercevons le refuge Adèle Planchard puis celui du Pavé ; des noms familiers à mon esprit mais des lieux inconnus de mes pas, des lieux qui défilent aujourd’hui sous mes pieds en l’espace de quelques minutes !
La Meije résonne ainsi. Combien de fois ai-je écouté attentivement des amis alpinistes raconter leur traversée de la Meije – cette course qui en parcourt les arêtes au cours d’une longue journée entre les refuges du Promontoire et de l’Aigle… Ces souvenirs à l’esprit, je passe à quelques dizaines de mètres du sommet principal, le Grand Pic, précisément au moment où un couple d’alpinistes y parvient ! Je leur crie un salut ému. Surpris, ils se tournent vers moi et agitent amicalement leurs bras. Instant suspendu. Il est environ 14 heures, je suis confortablement assise dans ma sellette. Ce matin, lorsque la sonnerie du réveil m’a arrachée aux bras de Morphée, ces deux montagnards grimpaient déjà ; tout à l’heure, lorsque mes compagnons et moi lèverons un verre à ce vol, ils seront encore en train de marcher. Hold-up. Magie. »


Extrait de :

La Légèreté du parapente, Petites circonvolutions sur le vol libre et les promesses du ciel
(p. 18-20, Transboréal, « Petite philosophie du voyage », 2021)

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