Pascal Corazza

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Gibellina – Sicile (Italie)
Année 2012
© Pascal Corazza
Attaché de coopération pour le français en Italie.

L’oubli des origines :


« Au bord de l’eau, je m’arrêtai devant quelques piquets en ferraille, coincés entre les rochers, qui tendaient une toile de jute sur une famille en vacances. Le chien se prenait dans les cordes du Tivoli plébéien ; ses maîtres étalaient leur paresse, à l’abri du soleil. Sur la chaise en plastique, les pieds dans ses sandales fatiguées, le père invectivait ses mioches, bien potelés d’être ainsi aimés, la peau trop tannée, comme nous, enfants, sur les photos de l’album familial. Dans cette image éclatante d’été, je revoyais les vacances dans nos îles – non pas Ischia, Procida ou Capri, mais Oléron, Aix et Ré –, faites de rien, bricolées, improvisées, à l’air libre. Et s’il avait dû ne rester qu’une famille, à survivre, elle aurait été celle-là, elle aurait été la nôtre.
Sur la plage, je m’aperçus être le dernier d’entre nous à entreprendre le voyage en Italie. J’avais bien tenté, tout juste majeur, une petite incursion en Émilie-Romagne, avec le département d’italien de l’université de Poitiers. Inscrit en première année de psychologie, j’avais profité d’une place vacante pour intégrer le séjour d’études à Parme, la capitale de l’agroalimentaire : visites de la Barilla, de la Parmalat, etc., mais cela ne comptait pas ; je serais parti n’importe où pour fuir les amphithéâtres. Et je ne savais pas encore – un comble – que mes grands-parents avaient quitté ce pays d’avoir trop souffert de la faim. Plus tard, je continuais de préférer les grands espaces anglo-saxons, leurs étendues sans marques d’histoire, à ces fragments italiques bâtis de citadelles, de campaniles, de baptistères et de cathédrales, qu’une vie entière ne saurait embrasser. Mon frère, qui n’était pas voyageur, avait eu dès le lycée un correspondant en Basilicate. Il était allé y séjourner, puis avait fait de la langue italienne ses études de faculté. Quant à ma sœur, l’aînée, inscrite un semestre à l’université de Sienne puis un autre à Florence pour un master de droit, elle m’avait ouvert des fenêtres vers la Péninsule, en m’offrant un album du Napolitain Pino Daniele, puis un film qui ne circulait alors qu’entre les initiés : le Journal intime, de Nanni Moretti. Le long-métrage m’avait persuadé que ce pays ne me resterait pas longtemps étranger. »


Extrait de :

Voyage en Italique
(p. 104-105, Transboréal, 2012)

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