Chadraabalyn Lodoidamba

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Figure des lettres et des arts mongols. Auteur acclamé de La Tamir aux eaux limpides.

Livre premier :


« Au point du jour, Erdene se leva et se couvrit les épaules de son deel pour sortir. Mais le cheval attaché la veille non loin de la tente avait disparu. Il se mit à courir. L’entrave et la longe étaient encore là. Levant les yeux, il lui sembla que les sombres montagnes se rapprochaient, s’élevaient encore vers le ciel, oppressantes. Il recula de deux pas.
Les yeux dans le vide, pareil à un homme blessé qui mobilise ses dernières forces, il se traîna sur quelques mètres et ramassa l’entrave trempée par la rosée. Se tournant vers l’horizon que barrait la silhouette noire des montagnes, il murmura : “Taishir Khan, Ataa Tavan Tenger, Gombo, mais pourquoi ne veillez-vous pas sur nous ?”
Dolgor, qui s’était réveillée lorsqu’il était sorti, leva la tête :
— Il fait beau ?
Silencieux près de l’entrée, Erdene jeta l’entrave et lâcha :
— Volé !
Elle poussa un cri et bondit sur ses pieds.
— Quoi ? Notre cheval ?
— Oui.
Erdene s’assit sur la couche aux couleurs défraîchies qui lui servait de lit.
— Mais qu’est-ce qu’on va devenir ? Où va-t-on bien pouvoir aller, réduits à marcher comme de vulgaires cochons dans ces régions inconnues ?
Elle se mit à pleurer. Les larmes lui roulaient sur les joues.
Indifférente au malheur qui venait de s’engouffrer dans la tente, la Tamir continuait sa course, imperturbable, dans un grondement bruyant. Le jour qui commençait déjà à poindre à l’est semblait saluer d’un éclat joyeux le monde encore endormi.
— Ne pleure pas, ça ne sert à rien… Allons.
Levant les yeux vers elle, Erdene essaya de sourire mais n’en eut pas la force. Grimaçant et pris d’un tic nerveux, il bourra sa pipe et tira quelques bouffées de fumée. Que faire maintenant ? Des questions sans réponse lui assaillaient l’esprit. Il avait la gorge serrée et des ombres noires dansaient devant ses yeux. Mais, voyant du coin de l’œil les larmes de Dolgor, il noua sa ceinture et s’assit tranquillement en tailleur, comme s’ils ne devaient plus jamais repartir.
— Allez, on ne meurt pas de devoir marcher. Faisons plutôt bouillir du thé. Tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir, il reste toujours des braises après un feu d’argal, murmura-t-il en serrant les dents. »


Extrait de :

La Tamir aux eaux limpides
(p. 45-46, Transboréal, 2023)

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