Ilya Klvana

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Rivière Peace – Alberta (Canada)
Année 1999
© Ilya Klvana
Biologiste. A réalisé une traversée transcontinentale du Canada en kayak.

Un projet transcontinental :


« Je viens tout juste de quitter la petite ville de Prince Rupert, sur la côte du Pacifique. Curieusement, mes premiers coups de pagaie ne suscitent en moi aucune émotion. Je suis à l’aube d’un voyage transcontinental qui marquera certainement le reste de ma vie, mais pourtant je ne ressens ni joie, ni fierté, ni excitation. Ces milliers de kilomètres d’incertitude et d’obstacles qui se dressent devant ma proue auraient pu éveiller en moi un brin d’anxiété, mais non, encore là, rien ne se passe en moi. Même la pluie, qui tombe ici et là à coups d’averses de quelques minutes chacune, ne m’affecte point. La seule chose dont je suis conscient, c’est l’alternance répétée de mes coups de pagaie. Le reste n’existe tout simplement pas. Je pagaie par en avant, et c’est tout. C’est comme si ma tête, exténuée par dix-huit mois d’intenses préparatifs, d’incertitudes diverses mais aussi de désir ardent de partir, avait saisi cette occasion pour prendre congé et laisser enfin mes bras s’occuper du voyage.
Cette idée un peu farfelue de traverser le continent en kayak avait germé pour la première fois dans mon esprit un an et demi auparavant. Je m’apprêtais à entamer ma deuxième année d’études universitaires en biologie de la faune. En général, les cours me plaisaient et j’avais bon espoir qu’après mes études le métier de biologiste allait me permettre de quitter la ville – j’avais grandi à Montréal – pour enfin rejoindre le véritable chez-moi qui m’habitait depuis mon enfance : la nature, les grands espaces, la tranquillité, l’air pur… Malgré cette conviction, cet avenir tout tracé manquait d’un peu de piquant à mes yeux. Je m’imaginais mal comment un simple métier, aussi passionnant soit-il, allait réussir à me combler. Je ressentais toujours cette soif de plus en plus urgente de m’écarter du troupeau et de partir à l’aventure, loin des bancs d’école et des engrenages de la société moderne !
Mais où aller ? C’est ainsi qu’un soir, habité par cette profonde envie de bouger et de découvrir, je déroulai une carte du Canada sur mon lit. Naturellement, mes yeux se sont vite portés sur les innombrables lacs et rivières qui parcourent le pays tout entier – ces fameuses autoroutes du Nord que les coureurs des bois, les trappeurs, les explorateurs, et les “voyageurs” (on appelait ainsi les hommes de canot engagés par les grandes compagnies de traite des fourrures) empruntaient tous les ans pour rejoindre les coins les plus reculés du pays. Je savais qu’avec un canot et du temps devant soi, il était possible de se rendre presque n’importe où. Je me voyais déjà quitter Montréal en remontant la rivière des Outaouais, fouler des portages millénaires, cheminer sur les Grands Lacs… C’est ainsi que, tout en contemplant divers trajets, une idée fit soudain irruption dans ma tête : pourquoi ne pas traverser entièrement le Canada, d’un océan à l’autre ? Ce serait là un véritable voyage d’aventure, digne des grands explorateurs d’antan ! »


Extrait de :

Coureur des bois, Une traversée du Canada en kayak
(p. 11-12, Transboréal, « Sillages », 2010, rééd. 2014)

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