
Bivouac à Altyn Arashan – monts Célestes (Kirghizistan).
Année 2022
© Justine Brès
Le Lot – du 28 juin au 7 juillet :
« En regardant mon épouse allaiter Homère devant l’étang qui réfléchit le bleu du ciel, ou celui des yeux de notre enfant, je m’abandonne, coupable, à ce hic et nunc particulièrement délicieux et réconfortant. Je file au comptoir de la guinguette nous commander deux Perrier tranches et me rassieds face au plan d’eau. Les épaules se relâchent, la nuque se détend et les paupières se font légèrement plus lourdes. Surtout, un sourire, semblable à celui qu’arborait Justine hier au soir, se dessine sur mes lèvres. Un sourire dont l’origine ne s’explique pas vraiment. Le tout donne au visage un air béat. Ou neuneu. Le mammifère que je suis est comblé. Il n’a ni soif, ni faim, ni froid d’ailleurs. Sa famille est près de lui : aucun danger ne menace. Le cerveau est mis sur pause. Et la plénitude de me gagner, devant un banal étang de Bouriane. L’exercice n’est pas évident. Les moments de joie sont-ils facilement identifiables ? Ne se dévoilent-ils pas une fois qu’ils sont consumés ? L’esprit, embourbé dans les tracas du quotidien, les aperçoit pour aussitôt replonger dans les tâches qui l’accaparent tant. Alors seulement, il les discerne. Mais il est trop tard, ils sont passés. »
Une famille en chemin, La diagonale du vide
(p. 181, Transboréal, « Sillages », 2025)