Françoise Ardillier-Carras

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Au village d’Urtsadzor – monts Urts (Arménie)
Année 2010
© Françoise Ardillier-Carras
Professeur émérite en géographie. Parmi ses terrains de recherche et d’expertise : le Limousin, l’Argentine et surtout l’Arménie.

Dans le microcosme des monts Urts :


« Un cri au loin. On m’appelle. Il faudrait quand même que je me rende utile à quelque chose. Munie du bâton que m’a confié le petit Hagop, qui me suit de près pour m’éviter tout faux pas, je vais l’aider à ramener les vaches trop éloignées du troupeau. Ici, il faut de l’ordre et de la vigilance. Hagop rit de bon cœur en me voyant mettre la main à la pâte, il s’amuse de mes tâtonnements et m’apprend les bons gestes. Et “mettre la main à la pâte”, expression convenue, prend tout son sens quand Arpine vient me chercher pour aider à la fabrication du pain lavash. Dans un enclos protégé du soleil par une toile tendue, trois femmes s’affairent : pétrir les pâtons, les aplatir comme des crêpes avec une baguette ronde, les plaquer sur le support de toile pour les enfourner contre les parois brûlantes du tonir creusé dans le sol et empiler les lavash tout chauds afin de préparer les réserves de la semaine pour toutes les familles du campement. Voilà le théâtre des opérations. Je suis affectée à la préparation des pâtons. On me regarde faire après quelques travaux pratiques. L’apprentie fait preuve d’assez d’empressement, ça devrait marcher. La petite Nariné, avec ses yeux noirs mutins, les mains couvertes de farine, m’encourage du regard. Narek, un berger à cheval, vient traîner ses guêtres près de l’enclos, pour mettre son grain de sel dans une affaire de femmes. La plus âgée des trois le menace avec amusement, en brandissant son rouleau de bois pour le faire déguerpir. Les tonalités de la scène sont enfumées de bleu, nimbées de la poussière de farine qui, poussée par un vent léger, s’accroche aux tabliers et poudre les visages. Un rayon de soleil passe par les interstices de la toile et vient piqueter d’or les gestes des “boulangères”, sur fond de mugissements des animaux qui rentrent, houspillés par les bergers. Une poésie subtile, biblique. »


Extrait de :

À l’ombre de l’Ararat, Une géographe en Arménie
(p. 103-104, Transboréal, « Sillages », 2021)

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