François Aubineau et Florent Mercier ont découvert l’Europe de l’Ouest à pied.

6. Oootmarsum (Pays-Bas)

Ootmarsum est le premier village que nous croisons en venant d’Allemagne, et d’emblée je suis charmé. En son centre piétonnier, devant la vieille église catholique, est assise nonchalante, une cueilleuse de pommes. Malgré le froid qui règne en cette mi-octobre, elle porte une robe légère qui laisse d’ailleurs pantois devant ses belles courbes glissées sous un tissu qui me paraît de soie. Elle porte un chapeau, de fée semble-t-il, et s’apprête à croquer une nouvelle pomme. Alors que sa main se dirige vers sa bouche aux lèvres parfaites, son visage affiche une expression des plus sereines. C’est un visage de félicité. Bien qu’elle ait les yeux fermés, il est clair qu’elle est heureuse et laisse transparaître la joie qui l’envahit. Son attitude est dédiée au bonheur simple, mais vrai, de croquer des pommes. Elle ne porte pas de chaussures, et ses pieds nous en disent long sur les distances parcourues à ramasser des pommes. Ils sont grands – elle doit chausser du 46 – et ses orteils suffisamment gros pour assurer un équilibre sans faille quand ils s’enfoncent dans la terre. Ou peut-être – allez savoir –, est-ce pour mieux détaler et courir lorsqu’un arboriculteur la vise à la carabine, furieux de voir ses pommes volées par la gueuse… Toujours est-il que son panier est plein et que je saurais quoi répondre si elle m’invitait à partager son frugal festin. Peu importe qu’elle ait le nez en trompette – les nigauds n’auront pas compris que c’est justement grâce à ce nez qu’elle reconnaît les meilleurs fruits –, peu importe qu’elle aille nu-pieds, peu importe que les gens en rient, moi je vois qu’elle a des bras magnifiques qui pourraient m’étreindre. Oui, pourquoi le nier, je suis tombé amoureux de cette belle Hollandaise qui aurait pu être dessinée par Loisel. Et alors que vous vous esclafferez, elle me donnera un baiser, au goût de pomme évidemment.