Collecte de musiques à travers le monde



L’idée d’un voyage à vélo pour collecter les musiques traditionnelles et les ambiances sonores des pays traversés jusqu’en Asie du Sud-Est nous est venue, à moi et à ma cousine Isabelle, dans un café parisien, lors d’une soirée pluvieuse. Quelque temps auparavant, je m’étais rendu en Syrie où j’avais été formidablement bien accueilli par les Bédouins et ce, à plusieurs reprises. Depuis, je m’étais bien souvent demandé pourquoi notre existence était, elle, ancrée dans une démarche inverse et je m’interrogeais sur ce qui nous poussait à fermer nos cœurs et nos vies à toute rencontre. Isabelle, elle, rêvait de visiter la Mongolie à cheval, et nous nous sommes décidés à effectuer ce périple. Nous avons cherché un moyen de nous forcer à découvrir des gens et leur culture ; les vestiges archéologiques ne nous intéressaient pas et nous ne voulions pas ressembler à des touristes. L’idée de glaner des musiques s’est imposée d’elle-même. Quoi de mieux pour découvrir une population qu’écouter sa musique ?
Nous avons effectué des recherches musicales avant notre départ. Isabelle a consacré des journées à l’écoute de dizaines d’albums de musique du monde : tsigane, africaine, arabe, iranienne, chinoise, mongole… Parallèlement, nous avons rassemblé diverses informations sur les chanteurs en contactant les maisons de production, pour tenter d’obtenir leurs adresses, mais cela n’a pas été efficace. Ensuite, durant le voyage, nous avons vite pris l’habitude de nous rendre, sitôt arrivés dans une agglomération, dans les différents offices de tourisme qui nous indiquaient les conservatoires, les cours de chants traditionnels ou les concerts. Dès que nous entendions parler d’une école de musique, nous y faisions une visite. Nous écoutions attentivement les élèves, les professeurs de musique, nous discutions longuement avec eux et arrivions en général à assister à une représentation et à procéder à des enregistrements.
Cette façon de faire n’a été facile ni en Europe, ni en Inde, la plupart des interprètes demandant à être payés immédiatement. Or, notre démarche étant basée sur la confiance, nous ne faisions signer aucun contrat et promettions seulement de revenir après la parution de notre livre. Cependant, la grande majorité des musiciens et des chanteurs entendus et enregistrés au fil de ces rencontres n’étaient pas des professionnels. Les concerts avaient la plupart du temps lieu chez des particuliers. Les ambiances étaient alors nimbées d’intimité, incitant au recueillement, surtout dans les demeures musulmanes, où la musique était naturellement religieuse.
La plupart des musiques que nous eûmes le privilège d’écouter et d’enregistrer étaient liées au temps et au lieu, attachées à l’essence même du paysage : dans le désert, les chants des femmes pouvaient durer des heures. Elles chantaient inlassablement, occupant ainsi des instants d’éternité. Voilà toute la différence avec nous, jeunes Occidentaux, qui ressentons continuellement le besoin d’évoluer, de bouger, de changer. Dans les pays arabes ne sont pas accordées la même importance ni la même valeur au temps.
Le matériel
Nous avons effectué nos enregistrements avec un lecteur de minidisques Sony MZR-35, outil de reportage prisé, entre autres, pour sa très faible distorsion harmonique. Le bruit de fond est inhérent à tous les minidisques mais il a pu finalement être supprimé sur les CD. Nous avons emporté 96 minidisques MD-74 Fuji, peu onéreux. Nous avons complété notre équipement avec deux micros stéréo dynamiques Sony, qui toutefois présentent le défaut majeur d’attraper jusqu’aux sons les plus lointains, du fait de l’absence de mousse efficace (lors de l’achat).
L’enregistrement ne demande pas d’immenses préparatifs. L’installation des micros est effectuée en un temps record. Une fois l’enregistrement terminé, nous sélectionnons les passages que nous préférons ou qui sont les plus représentatifs de la culture des personnes enregistrés. Nous renumérisons les morceaux via l’entrée Line-In de la carte son de l’ordinateur que nous avons dans nos bagages (un Sunbook 166 Mgx/1,6 Go/32 Mo puis un Siemens 166 MMX/2 Go/32 Mo), les nettoyons, les écourtons. Ils sont enfin compressés en fichier MP3, plus tard envoyés par courriel depuis un cybercafé. Ces transferts d’information par Internet fonctionnent très difficilement. L’opération prend de deux à quinze heures.

Par Isabelle Vayron & Xavier Vayron
Texte extrait du livre : Échos d’Orient, Visions de glaneurs de musiques
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