
George Sand, Écrire sa propre route
Jordane Bertrand
On n’étudie plus vraiment George Sand (1804-1876), saluée à son époque par les plus grands de ses contemporains, mais réduite aujourd’hui à une image d’Épinal : une femme habillée en homme qui fumait le cigare et séduisait tout un tas d’amants, dont Alfred de Musset et Frédéric Chopin. Un voile est tombé au fil du temps sur cette femme dont on a oublié la vie foisonnante et l’immense popularité de son vivant. Derrière les clichés se dévoile pourtant une écrivaine audacieuse, une féministe engagée, un plume politique, une épistolière incomparable et, facette plus méconnue encore, une voyageuse passionnée.
L’Auvergne, les Pyrénées, les Alpes, l’Italie, la Suisse, l’Espagne, Majorque, la Bretagne, la Normandie, la Méditerranée, les Ardennes : à tout moment de sa vie, George Sand n’a jamais renoncé à partir lorsque l’occasion se présentait. Elle a accepté les étapes dans des auberges malpropres et les longues heures dans des transports inconfortables pour mieux se réjouir des excursions qui faisaient vibrer sa curiosité. Sensible, ardente, elle a mis dans ses voyages la même témérité que dans sa vie personnelle et littéraire. Cette femme d’à peine un mètre cinquante-six fut une cavalière accomplie. Elle aimait marcher des heures dans la campagne, escalader les montagnes, se baigner dans les rivières, contempler les volcans. À 70 ans, elle adhère au Club alpin français, tout juste créé. George Sand fut aussi une étonnante voyageuse « du coin de la rue » dans son Berry bien aimé.
On a beaucoup raconté ses amours et ses amitiés. Suivre la romancière dans ses périples, c’est redécouvrir une écriture admirable et une justesse du regard où la précision le dispute à l’harmonie, la sincérité à l’humour. C’est se laisser charmer par une femme prodigieusement libre. À travers ses nombreux voyages se dessine aussi une connaissance profonde et intime de la nature, avec des prises de position écologistes qui stupéfient par leur modernité.
L’ouvrage s’organise de façon chronologique, chaque voyage éclairant un moment singulier d’une vie particulièrement foisonnante. Il se conclut par une série de « mélanges » qui permettent de préciser des aspects de sa personnalité. À l’heure où le féminisme trouve une vitalité nouvelle, il semble important de réhabiliter cette figure exceptionnelle du XIXe siècle face à une ignorance involontaire ou des préjugés toujours tenaces. S’appuyant sur nombre d’écrits de la romancière (lettres, romans, essais, autobiographie), l’essai entend partager avec le plus grand nombre la vie de cette femme extraordinairement libre dans sa pensée comme dans son comportement, à travers ce qui est peut-être la forme la plus aboutie de liberté : le voyage.
