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Une anthropologue chez les éleveurs mongols
par
le jeudi 15 février 2007 à 20 heures 30


Entre la Sibérie méridionale et les plaines désertiques du nord de la Chine s’étendent les steppes du plateau mongol, d’une superficie de 1 566 500 kilomètres carrés et d’une population d’à peine 2 800 000 habitants. Ce qui frappe l’étranger qui foule le sol de Mongolie pour la première fois, c’est une sensation de poésie et d’infinie liberté. Les éleveurs nomades semblent vivre de manière inchangée depuis des millénaires, sous leurs yourtes blanches, et galoper sur les collines comme si le monde n’avait pas évolué. Rien de plus faux que cette première impression ! La vie des éleveurs nomades dans ce pays au climat continental extrême est incroyablement rude. Et la liberté, ils ne l’ont pas toujours connue… Après une domination mandchoue de plus de deux siècles, la Mongolie est entrée en 1924, après seulement quelques années d’autonomie, sous la tutelle soviétique. Depuis le début des années 1990, une nouvelle phase s’est ouverte, celle du multipartisme et de l’économie de marché. À chacune de ces époques, les éleveurs nomades ont dû s’adapter au nouvel ordre politique et se réorganiser selon le bon vouloir des dirigeants.
Même si elles vivent au cœur du désert de Gobi ou sur les flancs des hautes montagnes de l’Altaï, les familles nomades sont directement touchées par ces transformations et doivent s’adapter. C’est ce qu’elles font, de manière parfois surprenante au regard de l’étranger de passage. Ces éleveurs, aussi isolés soient-ils, qui nomadisent parfois à des milliers de kilomètres de la capitale, et qui ont généralement pour unique moyen de transport le cheval ou le chameau, se montrent d’une grande curiosité à l’égard de l’actualité de leur pays mais aussi du monde, et la vie politique suscite chez eux un vif intérêt. Le taux de participation aux élections y dépasse régulièrement 80 % et les élites politiques sont souvent d’origine rurale. L’économie de marché, à laquelle les éleveurs nomades essaient de s’adapter, les conduit parfois à rompre l’équilibre fragile qui leur a permis jusque-là de vivre dans un milieu à l’aridité hostile. La forte demande internationale en cachemire notamment les incite à élever des chèvres en trop grand nombre. Or, comme le disent les Mongols, « le cheval cueille, la vache broute, la brebis tond et la chèvre arrache ». Les conséquences de cette augmentation inconsidérée du nombre de chèvres sur des pâturages vulnérables se sont révélées catastrophiques, d’autant que des perturbations climatiques se sont abattues plusieurs hivers de suite sur la Mongolie : nombreux sont les éleveurs qui ont vu périr leur bétail et ont été contraints de rejoindre les villes. Quoique les banlieues de yourtes en périphérie d’Oulan-Bator soient une dure réalité, les Mongols croient encore en l’avenir du nomadisme. Celui-ci représente une base économique importante pour le pays, et plus encore la marque d’une culture, d’une histoire, d’une nation. Les nomades eux-mêmes sont conscients de leur importance et soucieux de préserver ce symbole de la tradition qu’est leur mode de vie et de production, tout en réussissant la prouesse de s’équiper en commodités modernes.


Née en 1979 à Limoges de père français et de mère suédoise, Linda Gardelle est rompue très jeune au voyage. Après un séjour au Mali à 16 ans et un autre en Mongolie à 17 ans, grâce à une bourse Zellidja, elle repart une fois son baccalauréat en poche pour séjourner un an auprès des nomades mongols et apprendre leur langue, séjour qui fait l’objet du récit Aylal, ce qui signifie « voyage » en khalkha. À son retour, elle entreprend des études d’ethnologie et de sciences politiques à l’université Paris-X pour se consacrer, aujourd’hui, à un doctorat en sociologie à l’université Paris-I. Elle se fait le témoin des changements dans le mode de vie et la perception qu’ont les nomades de leur existence et de leur culture. Sa thèse porte sur les enjeux identitaires qui influencent les rapports des nomades mongols et maliens avec leurs États respectifs. À ce titre, elle séjourne régulièrement en Mongolie tout comme auprès des éleveurs touaregs du Mali.



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Livre de l’intervenante en rapport avec cette conférence :
Aylal, Une année en Mongolie


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