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Hommage à Théodore Monod, scientifique et mystique
par &
le jeudi 23 mars 2006 à 20 heures 30


En mars� 1988, Théodore Monod, alors âgé de 86� ans, lance sa caravane de cinq dromadaires �  l�€�assaut des dunes du désert mauritanien. Son but� : retrouver au sud-est de Chinguetti la météorite gigantesque de 100� mètres de long et 40� mètres de haut mentionnée en 1916 par le capitaine Gaston Ripert, qui en avait déposé un échantillon de plusieurs kilogrammes au Muséum national d�€�histoire naturelle. C�€�est Karel Prokop qui filme ce vieil homme dans sa folle quête géologique. Et les Français de découvrir enfin ce professeur quasi aveugle, qui arpente les sables �  l�€�aide de sa canne, le marteau �  la main, herborise entre deux haltes, se récite en grec les Béatitudes tous les midis et dort avec pour immense couverture les étoiles. Cet homme qui mène la vie dure �  ses guides et �  ses montures �€“ «� Je n�€�aime pas attendre� ; j�€�aime qu�€�on parte et qu�€�on arrive� !� » �€“ n�€�en est pas �  sa première méharée. L�€�introuvable météorite de Chinguetti et une fleur qu�€�il a découverte dans le Dohone, en Libye, la Monodiella flexuosa, �  laquelle il a donné son nom �€“ comme �  plus de cent plantes, animaux ou lieux �€“, lui fourniront encore l�€�occasion de fouler les sables du Sahara.
Cet austère professeur, issu de cinq générations de pasteurs, maître en ichtyologie, mais aussi passionné de botanique et de géomorphologie, qui a fondé et longtemps dirigé l�€�Institut français d�€�Afrique noire de Dakar, au Sénégal, est un homme de conviction qui, d�€�une vision pessimiste de l�€�avenir de l�€�espèce humaine, a fait le moteur de son action� : «� L�€�utopie n�€�est pas l�€�irréalisable, c�€�est l�€�irréalisé� », aime-t-il rappeler.
Qu�€�il pleuve ou qu�€�il vente, il jeûne chaque année quatre jours durant devant le PC des Forces océaniques stratégiques de Taverny, car les 6-9� août� 1945 marquent pour lui la fin de l�€�ère chrétienne et le début de l�€�ère nucléaire, où les armes détruisent l�€�homme jusque dans son avenir génétique. Végétarien �€“ «� Pourquoi donc mangerais-je du cadavre� ?� » �€“, il prend �  plusieurs reprises position contre la chasse et la corrida, «� la boucherie des bois ou des arènes� ». Au deuxième départ du Paris-Dakar �  la porte d�€�Orléans, il essaie de barrer le passage aux véhicules, avec l�€�écologiste et africaniste René Dumont, son vieil ami.
Et, chaque 14-Juillet, il écrit au président de la République pour le prier de changer les paroles de la Marseillaise, pour qu�€�un sang impur n�€�abreuve plus nos sillons.
Ce savant qui, de spécialiste des crustacés, en est venu �  s�€�intéresser �  toutes les formes de la vie, ce fervent protestant qui, son existence durant, a �“uvré au rapprochement des confessions et qui, comme les prophètes de l�€�Ancien Testament, a cru au pouvoir du geste, cet homme �  l�€�énergie débordante était un scientifique animé d�€�une foi empreinte de mysticisme, la foi d�€�un nomade entre ciel et terre. Le lien entre la nature et la création, au sujet duquel il avait pu échanger en correspondant avec Teilhard de Chardin, la place de l�€�homme dans l�€�univers et dans l�€�évolution �€“ il prétendait parfois que les céphalopodes y voleraient aux primates leur suprématie �€“, occupèrent cet homme aux m�“urs ascétiques �€“ il se levait tôt, ne buvait jamais d�€�alcool et jeûnait tous les vendredis �€“, qui entretenait un rapport tactile avec la nature, laquelle resta un émerveillement perpétuel même lorsque ses yeux ne la virent plus guère.

«� Au fond, j�€�aurai été l�€�un des derniers voyageurs sahariens de la période chamelière. Une secrète mélancolie s�€�attache aux choses qui meurent, quand on les a beaucoup aimées. Bien sûr, il faut savoir refermer les parenthèses, accepter de se voir relayé, savoir, sur la pointe des pieds, discrètement, disparaître dans la coulisse.� »
(Les Déserts, Horizons de France, 1973)

L�€�auguste savant s�€�est éteint le 22� novembre� 2000, �  l�€�âge de 98� ans.


Edmond Diemer, qui a accompagné le professeur Monod dans dix de ses voyages et a cosigné deux de ses ouvrages, et Ambroise Monod, son fils cadet, théologien et plasticien, évoqueront �  partir du documentaire Le Vieil Homme, le Désert et la Météorite de Karel Prokop la personnalité, scientifique et mystique, du savant.




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