Collection « Sillages »

  • Treks au Népal
  • La 2CV vagabonde
  • Ísland
  • Habiter l’Antarctique
  • Cavalières
  • Damien autour du monde
  • À l’ombre de l’Ararat
  • Moi, Naraa, femme de Mongolie
  • Carpates
  • Âme du Gange (L’)
  • Pèlerin de Shikoku (Le)
  • Ivre de steppes
  • Tu seras un homme
  • Arctic Dream
  • Road Angels
  • L’ours est mon maître
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Cavalier des steppes
  • Odyssée amérindienne (L’)
  • Routes de la foi (Les)
  • Aborigènes
  • Diagonale eurasienne
  • Brasil
  • Route du thé (La)
  • Dans les pas de l’Ours
  • Kamtchatka
  • Coureur des bois
  • Aux quatre vents de la Patagonie
  • Siberia
  • Sur la route again
  • À l’écoute de l’Inde
  • Seule sur le Transsibérien
  • Rivages de l’Est
  • Solitudes australes
  • Espíritu Pampa
  • À l’auberge de l’Orient
  • Sans escale
  • Au pays des hommes-fleurs
  • Voyage au bout de la soif
  • Errance amérindienne
  • Sibériennes
  • Unghalak
  • Nomade du Grand Nord
  • Sous l’aile du Grand Corbeau
  • Au cœur de l’Inde
  • Pèlerin d’Orient
  • Pèlerin d’Occident
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Au vent des Kerguelen
  • Volta (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Atalaya
  • Voie des glaces (La)
  • Grand Hiver (Le)
  • Maelström
  • Au gré du Yukon
Couverture
Où la mer attise l’action :

« Quoique la pression atmosphérique demeure stable, les sautes de vent intempestives ne présagent rien qui vaille. Au fond de la baie en forme de cirque, je suis à l’abri de la mer que j’aperçois s’agiter et écumer nerveusement. Il ne ferait pas bon aller là-bas. Au-dessus de ma tête, les nuages débouchent des crêtes comme si les roches fumaient.
Je m’en retourne vers la tente, dont les piteuses contorsions dues aux bourrasques révèlent la mauvaise orientation. Je devrais la déplanter et la placer face au vent, mais la bruine s’en mêle et me dissuade de toute intervention. Les mornes éboulis sous les falaises, l’espace vide ne m’encouragent pas à prolonger mon séjour ici. Le silence, tel un ennemi pour mon esprit en manque de sollicitations, cherche à absorber mes pensées. J’observe avec dégoût au fond des versants déchiquetés, une langue glaciaire morte depuis plus d’un siècle qui pend comme un cadavre. Je me rapproche de la côte pour entendre le bruit des vagues contre la grève.
Prendre des risques est inutile, demain la dépression se sera probablement écartée. Mais, tandis qu’éboulis et falaises imperturbablement muets accusent ma solitude, la mer, elle, me parle. Elle vient frapper mon imagination et me jette un défi. Elle me toise, me provoque. “Où vas-tu ?” me lance-t-elle à chaque coup contre les rochers. “M’aimes-tu ?” Elle m’interroge encore et je comprends son impatience. Le vent qui la force à crier et à s’acharner, la brise et la caresse, trouve en elle la réponse à ses rafales. Pourquoi ne me mêlerais-je pas à ce dialogue ? Ce conflit entre les éléments qui précède depuis la nuit des temps toute création… Que ferais-je de ma paix et de mon silence sans l’océan pour partager mes colères ?
Le feu monte dans mes entrailles. Les replis sécuritaires rendent mon corps malheureux et mon âme triste, il est temps de libérer les forces qui trépignent en moi et de nourrir leur juste attente. Ces vagues qui se retroussent et s’affolent, je les désire. Je préfère leur morgue vociférante aux moisissures stériles des cailloux, et cette tente bringuebalante que je méprise et que je vais abattre, remplira bientôt le ventre de mon corps marin.
Les surgissements d’écume tels des coups de griffe sur la mer, le vent qui agace ma coiffure et me saoule de son inépuisable antienne, portent les commandements auxquels je dois me tenir. Loin des sociétés et de leur code, la nature seule m’impose ses ordres : j’ai pour devoir de les suivre. Je me soumettrais aux lois de mes semblables si je vivais parmi eux, alors pourquoi me déroberais-je à celles, rudes mais franches, de la nature ? Loin des villes et de leurs toits, je me prive aussi de l’abri des organisations publiques. Sans cet abri, je deviens le vassal d’un autre ordre du monde, un ordre d’où jaillit la liberté d’être un homme. Dans la solitude, c’est l’homme qui se dégage ; face à la mer c’est l’homme qui fait front. L’homme, et non point l’employé, le contribuable ou le consommateur.
Si le temps se dégrade, je suis concerné au même titre que la mer. Le vent pousse et attise la vague, je pourrais aisément me soustraire à ce que le vent attend de moi, mais comme c’est le vent qui fait la mer, c’est lui aussi qui me fera. Je n’userai d’aucune parade d’individu civilisé, j’opposerai à la puissance du souffle celle de mes épaules et de ma volonté. Un front rocheux saura bien, plus tard, protéger l’accès à une nouvelle plage et à une nouvelle terre. Au diable peurs et prudences, le temps est venu de combattre au nom de ma vie et de comparaître, confiant en leur justice, devant le tribunal de la nature et de Dieu. »
(p. 153-155)

Où la folie se trouve des raisons (p. 54-56)
Où la liberté reconnaît ses limites (p. 100-101)
Extrait court
Extraits d’articles
L’irrésistible attrait de l’Arctique
La solitude dans le haut Arctique
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