Collection « Sillages »

  • Treks au Népal
  • La 2CV vagabonde
  • Ísland
  • Habiter l’Antarctique
  • Cavalières
  • Damien autour du monde
  • À l’ombre de l’Ararat
  • Moi, Naraa, femme de Mongolie
  • Carpates
  • Âme du Gange (L’)
  • Pèlerin de Shikoku (Le)
  • Ivre de steppes
  • Tu seras un homme
  • Arctic Dream
  • Road Angels
  • L’ours est mon maître
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Cavalier des steppes
  • Odyssée amérindienne (L’)
  • Routes de la foi (Les)
  • Aborigènes
  • Diagonale eurasienne
  • Brasil
  • Route du thé (La)
  • Dans les pas de l’Ours
  • Kamtchatka
  • Coureur des bois
  • Aux quatre vents de la Patagonie
  • Siberia
  • Sur la route again
  • À l’écoute de l’Inde
  • Seule sur le Transsibérien
  • Rivages de l’Est
  • Solitudes australes
  • Espíritu Pampa
  • À l’auberge de l’Orient
  • Sans escale
  • Au pays des hommes-fleurs
  • Voyage au bout de la soif
  • Errance amérindienne
  • Sibériennes
  • Unghalak
  • Nomade du Grand Nord
  • Sous l’aile du Grand Corbeau
  • Au cœur de l’Inde
  • Pèlerin d’Orient
  • Pèlerin d’Occident
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Au vent des Kerguelen
  • Volta (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Atalaya
  • Voie des glaces (La)
  • Grand Hiver (Le)
  • Maelström
  • Au gré du Yukon
Couverture
Shashi :

« En attendant, une autre rencontre s’offre à nous. Elle commence par une proposition de lift – assez courante – qui provient d’une voiture déjà surchargée. Nous y comptons sept sourires, en plus des deux qui sont perchés sur la moto qui les suit. Des mains chargées de grappes de raisins et de sucreries achetées à la fête du guru sortent de l’Ambassador blanche. Ses occupants nous donnent rendez-vous à une dizaine de kilomètres plus avant, à la bifurcation qui permet de rejoindre leur village, établi au fond de l’impasse quelques kilomètres plus loin. Nirav vient nous y chercher en voiture – vide cette fois. Il nous emmène directement dans un champ où un grand feu de camp est allumé, qui symbolise la destruction du démon Holika, marque la fin de l’hiver et annonce ainsi la grande fête de Holi prévue pour le lendemain. Notre tilak d’accueil reçu, nous poursuivons en zigzagant entre les vaches dans les ruelles de Dhamrad, vers la maison de Nirav où nous attend toute sa famille. Deux sœurs, deux frères, “une première femme” de 22 ans, son fils, ses parents, son grand-père et même un oncle et une tante vivent tous ensemble sous le même toit. Commence alors le défilé ininterrompu des hommes du village, tandis que Nirav assure la gestion des places assises en fonction d’une hiérarchie respectée de tous. Un homme arrive, qui se nomme Shashi G. Patel et pour qui la place à côté d’Éric est libérée. Sa seule allure est déjà imposante mais c’est sa vie, livrée comme un conte pour enfants, qui est la plus impressionnante.
Né dans les îles Fidji, il a été abandonné par son père après la mort de sa mère, et confié à ses grands-parents. À 15 ans pourtant, il est parti retrouver son père qui vivait alors en Grande-Bretagne. Ce dernier l’a embarqué avec lui en Inde pour régler des problèmes de succession à Dhamrad, la terre de ses ancêtres étant alors confisquée par les membres de sa famille qui revendiquaient la même filiation. Shashi est revenu plus tard en Inde pour son mariage, puis pour régler encore et toujours des questions foncières. Dans son récit revient le sentiment d’“être un étranger dans son propre pays”. D’abord à Bombay, puis à Surat – où les gens de son immeuble le rejettent car il est d’une caste différente de la leur –, et jusque sur sa propre terre – par sa propre famille et par le chef du village :
“Jusqu’à l’année dernière, un homme se comportait en véritable monarque dans le village. Il réclamait de l’argent aux villageois, un peu comme un impôt local. En arrivant ici, j’ai lancé la révolte contre une telle situation. Mais, en bon despote, il s’en est violemment pris à ma famille et à moi. Le lendemain, comme une punition des dieux, il a fait une crise cardiaque ; il est mort peu de temps après. Les gens du village sont alors venus me demander de l’aide, à moi qui priais si peu, pour finir la construction du temple qui piétinait depuis plusieurs années. Je leur ai répondu : ‘Travaillez ensemble et je paierai.’ Depuis, je suis respecté. Ils affirment qu’ils feront tout ce que je leur demanderai. Pourquoi ? Parce que je les ai libérés du monarque et que je leur ai construit un joli temple.”
Un investissement de neuf lakh tout de même – sur les quinze du coût total du temple – est donc le prix de son intégration et de son élection officieuse en tant que chef de village – exclusivement hindou. En traversant le groupe de maisons, nous mesurons la popularité de Shashi. Il traîne derrière lui une foule de villageois et d’enfants, tous prêts à exaucer le moindre de ses souhaits, comme tenir sa canne ou aller chercher la clé du monument sacré. Éric poursuit la visite à l’intérieur du temple avec Shashi, tandis que sa femme s’occupe de moi. Il ne faudrait pas que je fasse d’impair comme, par exemple, toucher le puissant dieu Shivapâti. Sans animosité ni détour, elle m’explique :
“Ce temple est ouvert à tous, sans distinction de caste, car il est important pour l’unité du village. En revanche, des restrictions existent pour les femmes. Car, tu le sais, nous sommes moins pures que les hommes à cause de nos menstruations. Pendant nos règles, nous ne pouvons pas toucher ce dieu-là, pour ne pas le souiller, ni aucun autre d’ailleurs. La tradition veut aussi que nous restions chez nous et que nous ne touchions ni la nourriture ni le lit conjugal.
— Mais alors, qui prépare à manger et où dors-tu ?
— En Inde, on a l’habitude de dormir par terre… Et il y a souvent une autre femme dans la maison pour faire à manger pendant ces quelques jours. Mais moi, je dors dans le lit et je continue à faire à manger, car ce n’est pas mon mari, ni mon fils, ni ma fille atteinte de myopathie qui vont le faire ! Ma mère, qui ne vit pas ici, suit ces principes à la lettre. De plus, elle ne mange ni ail ni oignons, de peur d’avoir à courir aux toilettes ; or, on ne peut pas s’interrompre en pleine prière.
— Les dieux régentent donc profondément votre vie…” »
(p. 238-240)

Retour à la nature (p. 80-82)
Goa (p. 161-162)
Extrait court
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