Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Le stop comme respiration : entre intensité et vide :

« Galopant d’une station-service à l’autre, je me remémore mes lectures d’Alexandre Dumas, qui contait les relais de poste, réguliers et jalonnant les routes de France, dans lesquels mes héros changeaient d’équipage pour effectuer au plus vite d’incroyables distances. Je me sens alors porté par la fièvre de l’aventure quand, en une journée, j’avale 900 kilomètres de parcours. Il m’arrive aussi parfois de doubler des personnes qui n’ont pas pu ou voulu me prendre quelques centaines de kilomètres plus tôt. Amusant pied de nez ! Et je vous laisse imaginer l’état dans lequel je suis quand j’effectue un “sans-faute”, comme à l’occasion de ce trajet en arc de cercle entre la Suisse (canton du Valais) et Grenoble, ne déviant pas une seule fois de ma route, n’attendant jamais plus de trois minutes entre deux véhicules, qui me vit débarquer avec plusieurs heures d’avance sur mes prévisions dans l’ancienne capitale du Dauphiné.
Ces cas où l’avance est rapide et l’attente presque inexistante ne peuvent faire oublier les sessions plus équilibrées. Agissant comme des piqûres, celles-ci me rappellent que, dans la vie, on ne contrôle jamais tout ; elles me font à mes dépens un bien fou. Quand un retard de transport en commun de dix minutes peut générer frustration, soupirs, nervosité et angoisses, comment accepter les heures d’incertitude du stop ? Notre fuite en avant vers toujours plus de contrôle est collective. J’y suis sans cesse entraîné. Tel objectif doit être rempli dans la minute, telle absence de réponse produit un stress démesuré : nous vivons dans une culture de l’urgence qui s’autoalimente (toujours plus vite, toujours plus loin). Alors je tente mon petit acte individuel pour en sortir. Quoi de plus savoureux dans une vie bien remplie, où mes trajets sont le plus souvent minutés, que de prendre un moment d’amplitude pour me retrouver, simple quêteur, le pouce fièrement dressé, au bord d’une route ? Cette expérimentation est salvatrice. Elle rappelle une activité plus fondamentale que l’on a pourtant tendance à oublier : la respiration. Alternance de mouvements opposés (inspiration/expiration), aussi indispensables l’un que l’autre. En choisir un seul signifierait la mort, par étouffement ou improbable explosion. Dans la vie, agir sans prendre le temps d’inspirer, de laisser venir à soi idées, éléments qui influencent la création, est navrant, bien que communément admis. De même, une posture d’inspiration exclusive, qui consisterait à philosopher sans jamais rien mettre en pratique, serait stérile. Souvent, dans les débats politiques, les partisans de ces deux postures se renvoient la balle. L’échange devient tout aussi impossible que l’adoption d’une position tranchée entre inspiration et expiration… Les deux sont nécessaires, alternativement. La chose est élémentaire, mais tout semble toujours plus important que la respiration, et l’on oublie vite que celle-ci possède son propre rythme. Le stop, dans la transition qu’il suppose entre l’intensité de la rencontre et le vide, entre l’enthousiasme et le doute, permet d’être plus sensible à ce mouvement. J’y ai appris à observer plus sereinement, à accepter chaque phase comme nécessaire, en étant présent à tout ce qui vient. L’exercice s’apparente à une belle méditation bouddhiste, et peut être pratiqué tout en se déplaçant d’un point A vers un point B ! Au fil des trajets, la capacité d’observation devient plus dense, plus attentive. Elle permet de prendre un certain recul : tout en étant en train de vivre une situation, il devient possible d’en discerner la dynamique générale. Comme si, d’un coup, d’une onde dont nous n’avions vu jusque-là que les oscillations désordonnées, nous commencions à percevoir la forme et la fonction générale, au point de sentir comment l’orienter, en total respect de ses rythmes et aspirations. Trouver de temps à autre cette distance, et sentir qu’il reste un long chemin d’apprentissage pour la rendre plus naturelle a quelque chose de réconfortant.
Depuis le retour de mon périple à vélo autour du globe, j’ai développé une association prônant le média citoyen et le voyage engagé. Au sein de cette structure, je mesure l’influence de ces leçons de la route sur ma pratique du management. Les expériences de stop m’aident à garder le cap sans être rigide, à regarder avec bienveillance les fluctuations et les aléas. Un progrès que certains qualifieraient de minime à première vue, et pourtant fondamental : modeste pierre à l’édifice, je tâche de ne pas m’inscrire dans la spirale de l’immédiateté, de l’éclat et du surcontrôle dont je vois toute la folie destructrice, et j’essaie dans le même temps de ne pas me contenter d’une inaction apeurée et stérile. Savoir patienter pour attendre l’opportunité harmonieuse, garder le plaisir de savourer chaque déconvenue, faire fluctuer les chemins sans perdre de vue la direction, apprendre à évoluer en fonction des conseils et des coïncidences, garder une attention complice à la beauté de chaque pas… autant de conduites évidentes sur le papier et pourtant difficiles à mettre en œuvre sur le terrain, lorsque l’on est pris dans l’affect, les peurs ou les pièges de l’ego. Le stop m’aide à traverser au mieux ces situations, avant d’y être confronté dans le cadre peut-être plus complexe, plus prenant et moins évident de mes activités professionnelles. »
(p. 54-59)

Synchronicités providentielles (p. 27-31)
En quête de dévoilement (p. 59-61)
Extrait court
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