Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Les préalables de la politesse :

« Alors quels sont les principes cardinaux de cet art, ceux qui nous donnent l’attitude qui convient à Brest comme à Vladivostok, dans un dîner parisien ou au fond de la jungle de Bornéo ? Il me semble qu’ils se réduisent à six : la sociabilité et le désir de plaire, le respect et la discrétion, l’équilibre et la spiritualisation. Bien que distincts, ils se recoupent en partie.
Le premier est un préalable évident : il faut être sociable, aimer la compagnie des autres. Partant de là, on doit aller plus loin. L’homme policé se considère comme un être vivant en société, et non pas voué à lui-même ; il vise donc un haut niveau de sociabilité : non seulement il participe à la vie sociale, mais il souhaite la rendre harmonieuse. Aussi a-t-il grand souci de plaire. L’injonction de plaire est un leitmotiv des traités de savoir-vivre. C’est le principe essentiel, le principe des principes, parce qu’il influe considérablement sur le bonheur des gens avec qui nous vivons aussi bien que sur notre propre bonheur. Celui qui sait plaire est capable de donner un tour agréable à tout, même au refus le plus net. Je garderai toujours un souvenir ému du gardien d’un palais ancien, à Damas en Syrie. Entré dans la cour, je me dirigeai vers lui et lui demandai s’il était possible de le visiter. Il me répondit par un signe négatif de la tête. Voyant mon air dépité, il me fit alors signe d’attendre. Quelques minutes passèrent. J’allais partir, quand je le vis accourir vers moi les mains pleines. Il me demanda de joindre les paumes, puis y versa une quantité de fleurs de jasmin qu’il venait de cueillir dans la cour voisine. Elles embaumaient. Je le quittai à la fois touché et enchanté par ce geste plein de délicatesse.
Plaire, c’est faire une impression agréable sur l’esprit des autres hommes, “qui les dispose ou même les détermine à nous aimer”, écrit en 1738 Paradis de Moncrif dans son . On plaît, tout d’abord, si l’on est souriant, joyeux, optimiste, et qui plus est drôle et brillant. On plaît ensuite si l’on est attentif et bienveillant ; si l’on sait mettre les autres à l’aise et s’adapter à leurs attentes ; si l’on est capable aussi d’apprécier leurs différences et de mettre en valeur leur personne. L’homme poli réussit à faire que son prochain s’aime lui-même. On plaît enfin si, dans la conversation, on écoute, on entre dans les vues d’autrui, on parle à chacun de ce qui l’intéresse. Plus que plaire, il faut donc complaire, se montrer complaisant pour les autres, avoir des égards pour leurs inclinations, leur tempérament, leur situation.
Néanmoins, complaire ne suffit pas car on peut, s’y efforçant, oublier le respect que l’on se doit – en se diminuant – ou que l’on doit aux autres – en se moquant des absents –, ou encore s’exhiber trop – ce qui risque d’indisposer. La politesse suppose une attitude générale de respect : respect de soi, des autres et des us et coutumes du lieu où l’on se trouve. Le respect de soi commande que l’on se soucie de sa tenue, de son maintien et de sa parole. Le respect d’autrui, que l’on accorde à chacun l’attention et la considération qui lui reviennent – Louis XIV ne leva-t-il pas son chapeau empanaché devant une simple blanchisseuse ? Chacun doit être traité comme une fin en soi, et non comme un moyen en vue de satisfaire l’un ou l’autre de nos besoins – c’est le vice du flatteur. On ne relève pas les manques ni les fautes, et l’on évite bien sûr tout propos qui pourrait blesser : Never hurt anybody’s feelings, disent les Anglais – “Ne blessez jamais personne”.
Enfin, le respect exige de s’adapter aux usages en vigueur autour de soi, aussi différents soient-ils des nôtres. Le conformisme est une valeur en pays de politesse. Faute de quoi on risque, malgré soi, de commettre des impairs. Prenez la façon de saluer, préalable à toute relation sociale et, à ce titre, première manière dont le voyageur doit s’enquérir. Du baiser sur la bouche de la tradition russe aux caresses de nez à nez qui prévalent chez les Inuit, en passant par toutes les façons de se toucher la main ou la joue, il est mille manières d’entrer en contact avec autrui. La méconnaissance de l’usage provoque souvent de l’embarras. Que l’on songe seulement au nombre variable de bises selon les régions européennes ou même françaises ! Trois au sud de la Loire, deux au nord, mais une seule outre-Quiévrain, comme le sait quiconque dont les lèvres sont restées dans le vide alors que la joue – belge – qu’il s’apprêtait à embrasser une seconde fois s’était déjà dérobée… »
(p. 51-55)

La nuance des sentiments (p. 27-30)
Usages du monde (p. 67-70)
Extrait court
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