Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
L’hirsute et le rigoureux :

« À Chenonceau, les jardins parlent une langue plus classique mais tout aussi évocatrice de puissance. Le quadrillage rigoureux invite au respect. L’ordre apparent impose la soumission. Certes, les constructions végétales exposent toute la vanité du pouvoir, mais elles sont aussi l’expression d’un savoir-faire qui rayonne encore aujourd’hui à travers le monde : le jardin à la française.
Les fleurs y figurent en bonne place, mises en exergue dans les massifs et les plates-bandes en ponctuant les pelouses ou, dans les volutes des buis, laissant s’échapper leurs grandes hampes qui ajoutent des couleurs à l’éventail des verts. Les roseraies s’émancipent, tonnelles et pergolas jalonnent l’espace. Car s’il faut faire l’éloge de la servitude et conforter son statut, le maître n’en oublie pas pour autant le plaisir de la flânerie dans un décor ad hoc. Si les grandes heures de l’amour courtois appartiennent au passé, on trouve dans les parcs et jardins matière à les prolonger. Aux beaux jours, le jardin invite à la rencontre et à un hédonisme exacerbé par le végétal. L’esthétisme règne en maître, les parfums enivrent. N’est-ce pas le lieu idéal pour courtiser ? Au romantisme des arts, peinture et musique, s’ajoute celui du jardin qui donne naissance à des espaces dissimulés, des recoins abrités des regards et propices aux confidences. C’est le giardino segreto de la Renaissance italienne. Grandes haies, charmilles, denses conifères ou grimpantes remplissent leur fonction : pas un œil ne les transperce. Le passionné peut alors s’isoler avec, pour seule compagnie, sa fleur. Parfois, l’isolement devient un jeu et l’espace se mue en labyrinthe. Les charmes se font courbes. Enfant, on s’y perd dans le bonheur de jouer ; adulte, on y erre, désireux de mettre en scène le badinage amoureux. Le jardin stimule la déambulation romantique.
De l’autre côté de la Manche, le jardinier n’a guère le même souci de rigueur qu’en France. Il cherche moins à dominer qu’à cohabiter avec le végétal. Peut-on mettre de l’ordre sans désordonner la nature ? Maîtriser la croissance des espèces sans les “dénaturer”, au sens propre du terme ? Le Britannique s’interroge. Il pondère son propos sur l’agencement des espaces de verdure. Il se questionne sur la pertinence d’une domination outrancière. Pourquoi ne pas laisser au jardin une place où les végétaux s’exprimeraient sans contraintes, comme pour mieux distinguer son travail de celui de la nature ? Le jardinier anglais souhaite conserver une part sauvage et ne pas œuvrer radicalement à la disparition de l’aspect naturel du jardin. C’est le jardin paysager, qui n’exclut pas un désordre raisonné et s’accommode parfaitement de graminées insolentes, d’annuelles semées au gré du vent, de vivaces parfois indisciplinées. Outre-Manche, la nature et le jardin s’épousent harmonieusement jusqu’à fournir dans cette symbiose le concept de jardin anglais. Le cadre y est moins net qu’en France, l’intérieur et l’extérieur se révèlent plus flous.
Alors naissent les ha-has, ces ruptures dans les clôtures qui laissent ponctuellement place à un fossé. Parfois, ils ne sont là que pour quelques mètres et remplissent la même fonction séparatrice, à une nuance près : en autorisant le regard à s’échapper vers l’horizon, ils cassent l’aspect clos du jardin. Le terme “ha-ha”, si étrange, reprend les onomatopées du visiteur (Louis de France, dit-on) surpris de découvrir cette enceinte à claire-voie et qui s’ébahit d’apercevoir ce qu’il y a de l’autre côté. Les ha-has permettent d’ouvrir le jardin sur l’extérieur sans lui ôter ses frontières ; il épouse alors le paysage. Sans révolutionner le concept du jardin, ils élargissent cependant les possibilités en matière de ligne de fuite.
À la française, le jardin est rigoureux ; à l’anglaise, il est hirsute. À la française, il est démonstratif ; à l’anglaise, il est charmant. Voilà la réponse de la perfide Albion à l’arrogance cocardière. À bien observer le règne végétal, il semblerait que certaines plantes aient un comportement typiquement anglais, alors que d’autres ont l’âme profondément française. Les premières se laissent difficilement contraindre ; les secondes sont dociles. Wisteria, la glycine, au caractère volubile, le genre Fuchsia, un peu précieux avec ses petites danseuses qui tournent au vent, Brugmansia et ses fleurs-trompettes retombant en cloches champêtres sont tous assurément britanniques. Ils abondent dans le bréviaire des jardins anglo-saxons. À l’inverse, Buxus sempervirens, qui obéit si promptement à la taille, le lys rigoureux et altier, ou le genre Begonia ont l’esprit francophile. C’est ainsi. Certaines plantes accompagnent bien l’heure du thé, d’autres ont un caractère plus malléable. Quoi qu’il en soit, les deux patries se retrouvent dans la passion à œuvrer au jardin pour en faire un espace de ravissement. »
(p. 36-40)

Jardins du monde (p. 30-33)
Temporalité du jardin (p. 82-85)
Extrait court
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