Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Une pratique devenue populaire :

« La popularisation de la course à pied est ancienne, mais la décennie 2005-2015 a tout changé. Le développement des premières courses “hors stade”, vraiment populaires et hors du cadre rigide des fédérations, dans le sillage du jogging, avait déjà amorcé la pompe, au début des années 1980. En France, c’est la grande époque des Marvejols/Mende, une course sur route de 23 kilomètres en plein cœur de la Lozère et de la France profonde où viennent alors pourtant se mesurer les meilleurs mondiaux, des premiers marathons de Paris et des 100 kilomètres de Millau, puisque bien sûr avec la popularisation s’efface aussi la barrière des kilomètres et que les épreuves d’ultramarathon naissent en nombre.
C’est également l’apparition des premiers magazines consacrés au sujet qui, outre des reportages sur les courses et des interviews de champions, distillent des conseils pour ces nouveaux venus. Spiridon en Suisse et en France, Runner’s World aux États-Unis. Jogging international apparaîtra peu de temps plus tard, en 1982. Son titre et son sous-titre marquent déjà un cap dans la pratique populaire de la course à pied : la course est alors devenue jogging et le magazine se proclame celui du “plaisir de courir et de la forme”. La course de fond, spécialité de l’athlétisme, avant tout purement compétitive, s’est muée en une occupation accessible où la performance n’est pas l’objectif unique. L’argument de la santé, qui est déjà présent, aura son importance dans le succès médiatique et populaire du jogging, mais le plaisir avant tout est là et bien mis en avant. “La “perf” d’accord, la fête d’abord”, prévient ainsi un slogan du magazine Spiridon et repris par les organisateurs de la course la plus populaire de l’époque, à Marvejols. Le plaisir de courir l’avait ici déjà emporté sur l’obsession de la performance et sur le côté ascétique originel, sur le précepte de Nurmi. Mais ce n’était qu’un début.
Certes, la recherche de la prouesse, du “chronomètre”, des records et des places d’honneur continue d’être la motivation de maints coureurs. Mais la popularisation de la course et l’ouverture à tous, licenciés ou non, coureurs réguliers ou occasionnels des courses hors stade a déjà changé la donne : ce n’est plus seulement la performance de pointe, la victoire et les lauriers qui sont respectés et même célébrés. On applaudit l’audace du coureur du peloton, qui s’entraîne et se bat pour une performance toute personnelle.
Un autre slogan, “Tous vainqueurs”, apparaît à cette époque, en référence à ceux qui, qu’importe le “chrono”, finissent un marathon. La distance, qui était jusqu’à peu réservée aux experts et à une poignée d’illuminés, devient une aventure accessible. On est loin des vieilles images dramatiques : on se rappelle l’arrivée du Belge Étienne Gailly au marathon olympique de Londres en 1948, où cet athlète, en tête à l’entrée du stade, termine en titubant tout en parvenant par un effort désespéré à conserver la troisième place. La souffrance se lisait presque à chacune de ses foulées, l’aspect épique d’une distance peu connue et terrifiante pour le commun des mortels alimentait un imaginaire, qui donnait au marathonien, capable d’endurer de longues souffrances, un statut d’être d’exception. Bien sûr, l’aspect de défi, la mythologie dramatique du marathon, persiste et durera encore, mais c’est aujourd’hui un exploit quasiment banalisé, réalisé annuellement par des millions de personnes tout à fait normales. Cela a débuté dans les années 1980. La démocratisation d’un sport d’élite était en marche, et ce n’est toujours pas fini. Dès lors, le mythe du coureur de Marathon, le messager s’écroulant mort une fois sa mission remplie, en a pris un coup. Monsieur tout le monde, avec de l’entraînement certes, peut y arriver. Madame tout le monde aussi, et cela semblait encore plus invraisemblable il y a quelques décennies, puisque les femmes furent longtemps cantonnées à l’athlétisme codifié et aux distances de moins d’un kilomètre. Des pionnières, comme Kathrine Switzer, la première femme à courir le marathon de Boston malgré l’interdiction d’alors aux athlètes féminines d’y participer, et surtout un grand bouleversement des mentalités, y ont vite conduit. Certes, les pratiquants mettront deux fois plus de temps que les champions, mais ils franchiront la ligne d’arrivée.
L’ère du running allait bientôt succéder à celle du jogging. Et quelle différence encore, entre ces appellations. Désormais, les coureurs ne sont plus fous. Courir devient, à l’aube des années 2000 et encore plus fortement ces dix dernières années, une activité sociale, un sport à la mode, et même plus qu’une mode, un phénomène de société. Tout le monde court, ou presque : la participation à une compétition, même sans prétention de performance et sur des distances accessibles, est devenue monnaie courante. Les magazines lifestyle, masculins et féminins (les femmes représentent aujourd’hui près de la moitié des adeptes) comme GQ ou Elle, vantent les bienfaits de l’activité. Nous parlions de soupape à une vie quotidienne dense et stressante : on s’est aperçu du bien-être procuré par la course, si simple à pratiquer, particulièrement en milieu urbain où la vie professionnelle et sociale est prenante. Tout un pan du running actuel tire son succès d’une population urbanisée, plutôt aisée, aux activités amicales et professionnelles très denses. Ce n’est plus une poignée d’originaux vaguement hippies ou d’ascètes dévoués à un sport exigeant. C’est tout le monde. Le cadre, l’ingénieur, le professeur, mais également tout de même l’employé, l’ouvrier. Un sport pauvre qui séduit les classes supérieures, car accessible et sans contraintes de terrain ou de partenaire. La course à pied moderne sait réunir les classes sociales, dans un joyeux mélange où les différences pécuniaires, le temps d’un effort partagé, s’effacent. De l’entrepreneur surchargé au chômeur qui trouve là une aire d’expression et de lien social. Ce n’est peut-être qu’une illusion, un effet d’optique trompeur dû aux corps mis à nu, au dépouillement nécessaire à la course. Mais cela existe, et nous pouvons penser que la course réalise le rêve, ne serait-ce qu’un instant, d’une société certes compétitive, mais égalitaire et bon enfant. Nous sommes passés d’un sport où primait la recherche brute de la performance à une activité où la notion de plaisir est centrale et où le défi personnel s’accompagne d’échanges et de sourires, dans la joie d’atteindre son objectif. »
(p. 47-53)

Les grands précurseurs (p. 21-27)
Apologie du trail (p. 65-72)
Extrait court
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