Collection « Visions »

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Couverture
Le goût de la nature :

« Le Baïkal a été comparé aux Galápagos. Le lac sibérien comme l’archipel pacifique sont des anomalies préadamiques, la survivance de luxuriances anciennes, l’écho sauvage des temps édéniques. Tous deux tranchent avec la vastitude qui les englobe (océanique pour l’île qui inspira Darwin ; forestière pour le lac qui nous intéresse). Ces temples dédiés au vivant et restés longtemps intouchés par l’homme révèlent un endémisme anormalement élevé : près de 80 % des 3 000 espèces végétales et animales baïkaliennes seraient spécifiques aux parages du lac ! Certaines auraient migré des mers arctiques par l’unique cordon qui relie le Baïkal aux septentrions russes – l’émissaire Angara –, et se seraient ensuite adaptées aux conditions qui prévalent dans le vieux lac. C’est le cas de l’omoul. D’autres, comme les éponges d’eau douce de la famille des Lubomirskiidæ, seraient des reliquats eurosibériens de l’ère tertiaire, qui n’auraient subsisté qu’ici et disparu du reste de la planète. L’origine de certaines espèces est plus obscure, comme celle du golomianka, poisson au corps adipeux et à la consistance aponévrotique, ou celle du nerpa (Pusa sibirica), qui traîne son quintal de graisse de rocher en rocher. Qu’il soit bassin cénozoïque connecté au réservoir arctique par un chemin fluvial ou isolat géographique peuplé de fossiles vivants appartenant à l’antique grande mer asiatique intérieure, le Baïkal a des airs de “monde perdu”. Mais de “monde perdu” avenant où en lieu et place des végétations monstrueuses imaginées par Conan Doyle prospère une taïga de pins, de sapins, de cèdres et de mélèzes et de feuillus méritoires : aulne, tremble, bouleau et sorbier. La relative pauvreté des sols, qui se décomposent très lentement, et l’ombrage dense n’autorisent qu’un sous-bois de rhododendrons, de chaméphytes difficiles à forcer (myrtilliers et canneberges) et de fougères. Tout voyageur qui a un jour suivi les coulées d’animaux garde en mémoire la sensation d’élasticité que procurent sous le pied la mousse et le lichen. Le Baïkal est situé au contact du biotope eurosibérien et centre-asiatique. Les taïgas profondes couvrant la région des sources de la Lena ou des monts Bargousinski n’ont pas de commune mesure avec les steppes arborées du sud de la Bouriatie ou les marécages de la vieille rivière Angarsk. Flore et faune se ressentent de cette localisation à la charnière des mondes. Cette position stratégique, ajoutée à l’âge du lac (stabilisé à l’éocène) ainsi qu’au microclimat qui règne dans son réservoir (des scientifiques ont forgé le néologisme “limnoclimat” pour le décrire), a doté les parages baïkaliens d’une faune à l’intense variété. Une centaine d’espèces de mammifères très mobiles hantent les ripisylves. Impossible de longer les grèves sans croiser l’ours, l’élan, le cerf, le renard ou la loutre. Le glouton et le loup se montrent rarement, et mustélidés comme rongeurs ont fait les frais du commerce de fourrure – “l’or moelleux” des forêts boréales. Mais hermines, visons et zibelines continuent de tracer des constellations sur les névés, et les écureuils emplissent encore de leur raffut les houppiers épineux. Les animaux à sang-froid sont quasi inexistants en raison de la rigueur des hivers. Lors du bref été, quand la nature semble se douter qu’elle n’a que trois ou quatre mois pour préparer l’avenir et que les espèces se jettent à corps perdu dans la perpétuation d’elles-mêmes, les insectes envahissent les marécages. Diptères, moustiques et vespidés lancent leurs raids sur les rives. La vie sans moustiquaire est impossible à l’orée des bois et aux abords des rivières. Combien de retraites précipitées en canot lorsque, au débarquement sur le rivage, une escadrille de taons donne l’assaut ! Il faut alors mettre les gaz au large pour semer le nuage… Les xylophages sont légion. Un coup de hache dans le creux d’un vieux pin fera jaillir une nuée de capricornes. Plus de 326 espèces d’oiseaux peuplent le ciel baïkalien. Canards gris, hérons, mouettes à tête noire, cigognes croisent au-dessus des eaux du lac, trouvant leur compte dans l’extraordinaire prolifération estivale de l’entomofaune. »
(p. 104-105)

La fin du miracle (p. 38-41)
Finir en cabane (p. 124-127)
Extrait court
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