Collection « Sillages »

  • Treks au Népal
  • La 2CV vagabonde
  • Ísland
  • Habiter l’Antarctique
  • Cavalières
  • Damien autour du monde
  • À l’ombre de l’Ararat
  • Moi, Naraa, femme de Mongolie
  • Carpates
  • Âme du Gange (L’)
  • Pèlerin de Shikoku (Le)
  • Ivre de steppes
  • Tu seras un homme
  • Arctic Dream
  • Road Angels
  • L’ours est mon maître
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Cavalier des steppes
  • Odyssée amérindienne (L’)
  • Routes de la foi (Les)
  • Aborigènes
  • Diagonale eurasienne
  • Brasil
  • Route du thé (La)
  • Dans les pas de l’Ours
  • Kamtchatka
  • Coureur des bois
  • Aux quatre vents de la Patagonie
  • Siberia
  • Sur la route again
  • À l’écoute de l’Inde
  • Seule sur le Transsibérien
  • Rivages de l’Est
  • Solitudes australes
  • Espíritu Pampa
  • À l’auberge de l’Orient
  • Sans escale
  • Au pays des hommes-fleurs
  • Voyage au bout de la soif
  • Errance amérindienne
  • Sibériennes
  • Unghalak
  • Nomade du Grand Nord
  • Sous l’aile du Grand Corbeau
  • Au cœur de l’Inde
  • Pèlerin d’Orient
  • Pèlerin d’Occident
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Au vent des Kerguelen
  • Volta (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Atalaya
  • Voie des glaces (La)
  • Grand Hiver (Le)
  • Maelström
  • Au gré du Yukon
Couverture
Erevan : les transformations d’une capitale qui fut soviétique :

« Les années passent, la grande ville délaisse ses vieux habits. Telle la mue du serpent, les dépouilles du temps des Soviets sont mises au rebut, business oblige, et dans le centre-ville, pour que richesse paraisse, au moins celle de quelques-uns, les avenues jadis empoussiérées se parent d’un coup de luxe et de paillettes. Un jour d’avril 2011, les yeux grands ouverts en débarquant à Erevan, je ne reconnais plus la ville. On dirait qu’il y a deux “couches” superposées : celle d’Erevan la populaire, encore encombrée de ses décors fanés, et l’autre, clinquante, vêtue de verre et d’acier, “bling-bling” en diable. À la vue de ces nouvelles avenues modernes, où les vitrines semblent jouer dans la cour des grands avec les marques de la mode internationale, une bouffée de nostalgie me saisit. Où sont passés les charmes d’antan ? Je serais presque amenée à regretter les petits métiers de rue, les anciennes maisons persanes, russes, le capharnaüm des marchés incrustés entre les immeubles. Au lieu de cela, ce sont d’arrogantes constructions sans âme qui donnent le ton ! Sillonnées par des voitures d’un luxe inouï, totalement déconnectées de l’atmosphère populaire qui s’accorde si bien avec la vie quotidienne des quartiers centraux, les rues se vident peu à peu de leurs habitants âgés.
Cette détresse de la pierre, celle qu’on abat pour la remplacer par du béton, me prend à la gorge lorsque, descendant la rue Abovian, grande artère commerçante de la capitale, je rencontre une femme qui déambule sur le trottoir, le regard vide, le visage triste. Elle s’approche de moi et me montre, en sanglots, une pelleteuse en action le long d’une façade éventrée. “C’était ma maison, ma maison ! crie-t-elle de désespoir, ils ont tout cassé.” Un drame se joue à quelques mètres. Un bruit assourdissant, un engin qui s’acharne sur un pan de mur pour lui arracher ses pierres, une façade historique, celle d’un bel immeuble du temps des tsars, aux linteaux de tuf ocre sculptés. Voilà les dommages collatéraux de la mue d’une capitale qui veut se faire plus grosse que le bœuf. Je reste pétrifiée par la scène, pensant que non, “ils” ne vont pas remplacer ce patrimoine architectural par de hideuses constructions sans âme. Vartouhi, qui vient de me raconter ses malheurs, a déjà compris : “Ils veulent construire un hôtel de luxe à la place de ma maison.” Le conducteur du bulldozer n’a pas d’états d’âme, lui. Il défonce, c’est tout. Prise par une crainte soudaine, que tout ne s’efface, même de la mémoire, je sors mon appareil photo pour immortaliser le saccage. Bien m’en a pris. Une heure plus tard, en remontant la rue, je constate qu’il ne reste, à la place de l’immeuble, qu’un vide empli de pierres et de bois, où bat encore le cœur de la ville d’avant. Un acharnement sans la moindre commisération. Et les dégâts irrémédiables ne s’arrêtent pas là. Toute la rue est victime de la folie des promoteurs, soutenus par un régime qui entend faire de la capitale une vitrine de richesse plus ou moins bien acquise.
Le fleuron de ces projets urbanistiques consiste en une éventration du cœur même de la ville entre l’Opéra et la rue Abovian, pour ouvrir ce qu’on appelle l’avenue du Nord. Il s’agit de supprimer un îlot de maisons anciennes, dont certaines sont insalubres certes, mais qui auraient pu supporter une restauration et conserver leur cachet. En lieu et place de ces témoins de l’histoire de la ville, des buildings d’acier, de béton et de verre, avec dorures et inspirés d’autres folies urbanistiques. Pas de loi Malraux ici, on casse tout et on recommence. Et on ne dit rien de ce que sont devenus les anciens habitants, contraints souvent par la force à quitter leur logement pour aller vivre dans un de ces quartiers éloignés du centre où s’élèvent de hauts immeubles édifiés sous Khrouchtchev et Brejnev.
Un instantané de cette fièvre destructrice me poursuit, année après année, quand je parcours les rues du centre. »
(p. 46-48)

Le long de l’Araxe (p. 69-70)
Entre Selim et Arpa, ancienne route de la soie (p. 193-195)
Extrait court
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