Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
La nuance des sentiments :

« Certes, il est nécessaire de bien connaître la politesse pour ne pas prendre au pied de la lettre ce qu’elle affirme. Chacun le sait bien pour “Bonjour” ou “S’il vous plaît”, mais dès que l’expression se raffine, tout se complique. À ce sujet, je me souviens d’une anecdote racontée par une collègue qui venait de recevoir, pendant une dizaine de jours, un ami soudanais dont c’était le premier séjour en France. Voulant le mettre à l’aise, elle lui dit, en lui montrant sa chambre : “Fais comme chez toi.” Le lendemain, à sa grande surprise, il avait refait le décor de la pièce à son goût, décrochant les tableaux suspendus au mur pour y tendre un tissu de son pays. Ignorant les codes culturels français, il avait tout simplement pris l’expression au pied de la lettre. Une personne peu au fait des usages est également susceptible d’interpréter une formule de politesse comme un signe de sympathie personnelle ; découvrant qu’il n’en est rien, elle se plaindra alors qu’on ait usé de dissimulation. L’impression d’hypocrisie est d’ailleurs souvent donnée par des personnes inexpérimentées dans l’art des bienséances car, pour être polies, elles en rajoutent et tombent dans la flatterie. Au contraire, un être poli et bienveillant est perçu comme sincère alors même qu’il calcule ses expressions afin de ménager son vis-à-vis ; on lui sait gré de surcroît d’avoir la générosité de penser que son interlocuteur a assez de finesse pour distinguer, derrière le langage poli, la vérité complète de ce qu’il affirme. Toutefois, on est fondé à faire des reproches à l’homme poli s’il ne croit pas au moins à ce que tout acte de politesse présuppose, à savoir qu’il est bon d’être ensemble. “Quelle joie de vous voir !” : on ne peut pas accuser celui qui prononce ces mots d’être hypocrite au motif qu’il n’éprouve pas de joie profonde et n’adhère pas au sens premier de cette exclamation ; on le lui reprochera, en revanche, s’il n’a véritablement aucune envie de voir les personnes en question et n’assume donc pas même le sens connoté de celle-ci. Une politesse qu’on sent forcée est une impolitesse. La sincérité voulant qu’on soit en accord avec ce que l’on dit, on doit s’ouvrir aux autres pour être poli ou, à tout le moins, modérer ses expressions.
Le mépris de la politesse vient aussi de la croyance qu’on pourrait se passer des apparences, laisser parler librement son cœur et aller droit à celui de chacun. Il suffit de faire l’expérience de cette transparence pour constater combien elle devient rapidement invivable. Affirmer sans réserve ni détour une opinion personnelle revient à dévaloriser, voire à disqualifier celle des autres. Or toute relation sociale suppose d’être à l’écoute de ses interlocuteurs et de prendre en considération leurs propos. En outre, le cœur n’est pas toujours bien intentionné. Chacun a des défauts, des cupidités, des égoïsmes. S’abandonner à l’“authenticité” au nom de la franchise risque fort de nous rendre insupportable et de nous aliéner jusqu’à nos amis les plus proches. Des rapports harmonieux entre individus supposent de garder secrets nos mauvais sentiments. La politesse du cœur ne procède-t-elle pas, d’ailleurs, d’un penchant déplaisant : le souci infantile et tyrannique de lire dans les pensées des autres ? La vraie politesse, ce voile par lequel on se recouvre et se protège, préserve justement de ce désir inquisiteur.
Et puis la transparence serait invivable aussi parce que les bons sentiments eux-mêmes font souvent du mal. Montrer de la pitié devant une personne que la maladie a changée ne peut que l’attrister : c’est d’une grande impolitesse. Dire brutalement à quelqu’un ses quatre vérités au motif qu’on veut l’aider à se corriger a toute chance, en le blessant, de le renforcer dans son opinion ou son comportement. Faire le bien, être bon pour les autres exige parfois de mentir un peu et de maquiller ses expressions. La vie en société comporte inévitablement des formes de simulation et de dissimulation. Parler de façon spontanée au motif que, de toute façon, on est bienveillant ou bien intentionné, expose à force maladresses : “Magnifique ta robe, tu parais vraiment mince !” ; “C’est fou comme ta nouvelle coupe de cheveux te rajeunit !”… C’est pourquoi la politesse s’impose : elle est une école d’attention aux autres et de maîtrise – des paroles, des gestes, du visage. Elle est bien plus encore : elle nous apprend à affiner nos sentiments et à les exprimer avec justesse, dans toutes leurs nuances. »
(p. 27-30)

Les préalables de la politesse (p. 51-55)
Usages du monde (p. 67-70)
Extrait court
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