Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Examen de conscience :

« Pour bien des personnes, hélas, le voyage n’est que l’expression d’un hubris commun à notre époque, cette force individualisante qui pousse à se sentir unique et – bien que ce ne soit que rarement exprimé consciemment – au-dessus des autres. Nous croyons tous mériter ce dépaysement comme s’il s’agissait du remède à tous nos maux. Nous sommes persuadés de notre droit ultime à être heureux mais remettons rarement en question ce bonheur : quel est-il ? Comment l’obtient-on ? Faisant feu de tout bois, nous entassons les expériences sans les mesurer. Dans tout cela, il y aura bien quelque chose qui nous procurera l’ataraxie que nous espérons ! Seulement, l’insatisfaction est une blessure dans laquelle s’insère le poignard des manipulateurs. Leur intérêt seul permet de faire le tri entre la malfaisance et la bienveillance… “Le mouvement même t’est contraire ; tu remues un malade”, assénait Sénèque à Lucilius. Si, dans notre quête de distraction, nous estimons qu’il faut “changer d’air”, d’autres voies sont possibles.
Découvrir le monde peut se faire respectueusement. Des milliers de voyageurs l’expérimentent lorsqu’ils intègrent dans leur démarche l’intention de nuire le moins possible. En tant que voyageur immobile, je me sers de la myriade d’autres moyens à ma disposition. Il revient ainsi à chacun d’estimer ce qui est important pour lui. Quel que soit le résultat de la réflexion, la construction d’un projet personnel prend du temps et nécessite du calme. Nous avons tous en tête la parabole moderne du businessman qui se rend compte, au seuil de la mort, qu’il n’a pas vraiment vécu. Notre société glorifie ceux qui sont dans l’action permanente. Mais s’ils n’ont pas le temps de penser, à quel moment font-ils le bilan de leur action sur le monde ? Les orientations récentes, la frénésie de la vie politique, tout cela tend à démontrer que, justement, peu s’y engagent.
Si le temps est le carburant, il faut une étincelle : la curiosité. Je me demande parfois si elle naît de l’émerveillement ou si c’est l’inverse. L’école primaire fut pour moi un temps de découvertes impensables : les enseignants nous parlaient d’autres façons de compter (les notations romaines, babyloniennes, égyptiennes…), de la nature, des satellites de Jupiter. Après ces explorations mentales, les exercices d’orthographe et de calcul semblaient indolores, car la finalité en était facile à comprendre : avec le raisonnement et avec le langage, d’autres mondes sont à portée. J’eus tôt l’intuition que l’éducation libère.
Cependant, la curiosité est une denrée périssable, qu’émousse la grisaille de la vie quotidienne : on se replie sur ce qu’on connaît déjà et qui ne demande pas d’efforts. Mais elle peut s’entretenir par des exercices spirituels, qui n’ont rien de nouveau – ils étaient professés par les philosophes antiques – et que j’ai découverts dans les livres de Pierre Hadot. Si, dans l’Antiquité, leur raison d’être principale était probablement de maintenir l’unité d’une école de pensée, on peut y voir des mises à l’épreuve, pour évoluer dans le bon sens, ce qui, défini par la philosophie de l’époque, désigne le mode de vie auquel on adhère.
L’examen de conscience est un des exercices stoïciens que je pratique depuis l’enfance. C’est Sénèque qui en résume le mieux la finalité dans sa célèbre formule de la lettre XII à Lucilius : “Qui dit le soir ‘j’ai vécu’ peut dire le matin ‘je gagne une journée’.” Lorsque vient la nuit, je me remémore jusque dans le moindre détail les événements de la journée, essayant de trier les expériences selon de multiples critères. Qu’ai-je appris ? Ai-je compris ce que j’ai appris ? Qu’ai-je dit que je n’aurais dû dire ? Que n’ai-je pas compris dans ce qu’on m’a dit ? Aurais-je pu infléchir le cours d’une dispute ? Ai-je agi en accord avec mes idéaux ? Pourquoi pas ? Quand la journée a été riche, quand les conversations se sont muées en discussions passionnées, cet examen de conscience est dramatiquement long ! Et quand la journée a été pauvre, la focale se déplace : un échange peut donner lieu à des analyses multiples, à surinterprétation. Mes amis connaissent ma réputation d’insomniaque : une même idée peut rebondir des heures dans ma tête, présentant à chaque fois une perspective ou un aspect nouveau, jusqu’à ce que la fatigue ait raison de moi. »
(p. 30-34)

Voyage satellitaire (p. 40-43)
Le syndrome du voyageur (p. 61-64)
Extrait court
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