
Où les dieux descendirent sur terre :
« Le trajet en voiture de Nagoya jusqu’aux monts Ômine à côté d’un Taka silencieux est l’occasion de réfléchir à mon voyage, qui arrive à son mitan. Quelle raison me porte à la rencontre des yamabushi ? Sans doute la curiosité qui est la mienne depuis l’enfance et qui m’a conduit à étudier plantes, animaux et fossiles jusqu’à travailler au Muséum d’histoire naturelle de Luxembourg? Mais elle n’est pas la seule raison, et même pas la principale.
Si des hommes se soumettent à des pratiques aussi éprouvantes que le shugendô depuis plus d’un millénaire, il y a une bonne raison. Mais force est de constater que cette raison ne s’explique pas scientifiquement ou rationnellement. Dans son livre The Awakened Brain, The psychology of spirituality and our search for meaning, qui repose sur de récentes avancées en neuropsychologie, Lisa Miller émet l’hypothèse que l’être humain a un potentiel d’expression spirituelle inné : “Hindous, juifs, musulmans, catholiques, chrétiens, spirituels mais non-religieux, nous employons tous les mêmes circuits neuronaux, car nous percevons une relation transcendante. En d’autres termes, notre capacité à vivre une existence spirituelle est ancrée dans notre cerveau : ‘Nous sommes tous des êtres spirituels naturels.’” Ma quête est donc un retour vers cet état initial, pourrait-on dire.
Pendant des millénaires, les spiritualités comme les pratiques chamaniques ont eu un rôle fondamental en apportant réconfort et bien-être émotionnel. La modernité a mis de côté la foi ; dans nos sociétés de plus en plus laïques, la perception de la spiritualité a été modifiée. Si foi et spiritualité vont de pair pour certains d’entre nous, se sentir spirituellement vivant peut également être suscité par des actes d’empathie, par la méditation, par une randonnée en forêt ou simplement par le fait de participer au repas familial de Noël. Les recherches indiquent d’ailleurs qu’une pratique spirituelle régulière peut réduire la dépression et l’anxiété. Il semblerait même que les personnes dépressives ou anxieuses aient davantage la capacité d’exprimer leur conscience spirituelle. Dépression et spiritualité seraient-elles les deux faces d’une même médaille ?
Ce constat m’interpelle. J’ai souvent pu constater que la pratique prend racine dans une souffrance, qui naît d’un vide ou d’une absence de conscience et de sens. Ce vide, la pratique spirituelle peut le combler. J’ai moi-même fait l’expérience du vide dans ma jeunesse ; je l’ai apprivoisé au terme de nombreuses années en poursuivant une quête spirituelle indépendante de tout dogme. Cette voie résolument personnelle, conquise par le biais d’efforts et de sacrifices, est pourvoyeuse de sens ; c’est ce chemin qui m’a conduit au Japon, où j’ai découvert le shugendô, la voie de la force spirituelle à travers la pratique. »
Des cerisiers sur la colline (p. 46-47)
Danse autour du volcan (p. 137-139)
Extrait court
« Le trajet en voiture de Nagoya jusqu’aux monts Ômine à côté d’un Taka silencieux est l’occasion de réfléchir à mon voyage, qui arrive à son mitan. Quelle raison me porte à la rencontre des yamabushi ? Sans doute la curiosité qui est la mienne depuis l’enfance et qui m’a conduit à étudier plantes, animaux et fossiles jusqu’à travailler au Muséum d’histoire naturelle de Luxembourg? Mais elle n’est pas la seule raison, et même pas la principale.
Si des hommes se soumettent à des pratiques aussi éprouvantes que le shugendô depuis plus d’un millénaire, il y a une bonne raison. Mais force est de constater que cette raison ne s’explique pas scientifiquement ou rationnellement. Dans son livre The Awakened Brain, The psychology of spirituality and our search for meaning, qui repose sur de récentes avancées en neuropsychologie, Lisa Miller émet l’hypothèse que l’être humain a un potentiel d’expression spirituelle inné : “Hindous, juifs, musulmans, catholiques, chrétiens, spirituels mais non-religieux, nous employons tous les mêmes circuits neuronaux, car nous percevons une relation transcendante. En d’autres termes, notre capacité à vivre une existence spirituelle est ancrée dans notre cerveau : ‘Nous sommes tous des êtres spirituels naturels.’” Ma quête est donc un retour vers cet état initial, pourrait-on dire.
Pendant des millénaires, les spiritualités comme les pratiques chamaniques ont eu un rôle fondamental en apportant réconfort et bien-être émotionnel. La modernité a mis de côté la foi ; dans nos sociétés de plus en plus laïques, la perception de la spiritualité a été modifiée. Si foi et spiritualité vont de pair pour certains d’entre nous, se sentir spirituellement vivant peut également être suscité par des actes d’empathie, par la méditation, par une randonnée en forêt ou simplement par le fait de participer au repas familial de Noël. Les recherches indiquent d’ailleurs qu’une pratique spirituelle régulière peut réduire la dépression et l’anxiété. Il semblerait même que les personnes dépressives ou anxieuses aient davantage la capacité d’exprimer leur conscience spirituelle. Dépression et spiritualité seraient-elles les deux faces d’une même médaille ?
Ce constat m’interpelle. J’ai souvent pu constater que la pratique prend racine dans une souffrance, qui naît d’un vide ou d’une absence de conscience et de sens. Ce vide, la pratique spirituelle peut le combler. J’ai moi-même fait l’expérience du vide dans ma jeunesse ; je l’ai apprivoisé au terme de nombreuses années en poursuivant une quête spirituelle indépendante de tout dogme. Cette voie résolument personnelle, conquise par le biais d’efforts et de sacrifices, est pourvoyeuse de sens ; c’est ce chemin qui m’a conduit au Japon, où j’ai découvert le shugendô, la voie de la force spirituelle à travers la pratique. »
(p. 101-103)
Des cerisiers sur la colline (p. 46-47)
Danse autour du volcan (p. 137-139)
Extrait court