Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Vie des cimetières (La)
  • Éclat du rire (L’)
  • Clameur du monde (La)
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • Engagement humanitaire (L’)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Révolution :

« Le Caire, 25 janvier 2011. Un grondement envahit la capitale égyptienne, comme un orage en plein jour. Je suis avec Ahmed, dans notre appartement posé sur le toit d’un immeuble du centre-ville. Nous nous précipitons au bord du vide. Nous sommes trop hauts pour voir la foule mais déjà nous l’imaginons. Compacte. Déterminée.
Un mois plus tôt, les Tunisiens ont délogé Ben Ali de son palais. Tous les regards se braquent sur l’Égypte, pays comme momifié de son vivant par son dictateur, Hosni Moubarak. Sur les réseaux sociaux, on commence à parler de thawra<>, de révolution, et les appels à manifester se multiplient. Les cris de la foule se rapprochent ; Ahmed et moi échangeons un regard. Nous avons peur mais, à l’intérieur, ça bouillonne. Nous en sommes convaincus : les heures, jours et semaines à venir seront historiques. Et l’Histoire, nous n’allons pas seulement la vivre, nous allons la raconter. Ahmed travaille alors comme journaliste pour l’agence de presse égyptienne. Moi, je suis une jeune reporter de 26 ans qui cherche encore sa place dans un pays déjà quadrillé par de nombreux correspondants étrangers. Je cours chercher ma caméra et nous nous élançons dans les rues.
Une immense vague océanique. La foule, composée d’étudiants, de femmes voilées ou non, de paysans, de médecins, d’ouvriers, d’enfants, nous porte. En quatre années passées en Égypte, je n’ai jamais vu autant de visages différents scander le même slogan : Irhal ! – “Dégage !”. Même Ahmed, pourtant égyptien, est ému aux larmes. Je me poste sur le trottoir pour filmer la vague déferler jusqu’à la place Tahrir, point névralgique de la ville.
Dans ma poche, je sens mon téléphone vibrer. France 24, Europe 1, RMC? À Paris, les rédactions s’affolent. Je m’assois sur un trottoir, attrape mon carnet, griffonne des idées au milieu du vacarme. Je n’ai jamais fait cet exercice. Mes doigts tremblent. C’est excitant et terrifiant à la fois. Je me sens comme un joueur de foot à qui l’on passe enfin le ballon – des années que j’attends ce moment. Seize heures, un appel de la chaîne Arte : “Un reportage pour notre journal de 19 heures 45, c’est possible ?” Je raccroche et regarde Ahmed, paniquée. “On va y arriver”, me rassure mon compagnon.
La nuit commence à fondre sur la place Tahrir, et l’odeur poivrée du gaz lacrymogène nous attaque la gorge. L’immense rond-point, d’ordinaire gris et saturé de voitures, s’est changé en marée de drapeaux noir et rouge aux couleurs de l’Égypte. La fumée plonge la place dans un brouillard épais et irréel. Les combats avec les forces de l’ordre sont déjà féroces. Ahmed et moi nous approchons d’un groupe de gamins qui lancent des bouteilles en verre à la face de la police. En voyant la caméra, ils s’approchent pour témoigner. Tahrir est devenu leur raison d’être, le symbole de leur émancipation. Le nuage de gaz s’épaissit encore ; on tousse, on crache, on pleure. Je filme sans rien voir.
Dix-huit heures, Ahmed me fait signe qu’il est temps de rentrer. Nous courons jusqu’à l’appartement en remontant la foule à contre-sens. Vite, allumer l’ordinateur, décharger la carte mémoire, agencer les images, choisir des interviews, écrire et enregistrer un commentaire. Puis reste le plus délicat : trouver le moyen d’envoyer notre reportage. Il fait à peine trois minutes mais la connexion Internet est déplorable. J’appelle Arte. La chaîne nous ouvre exceptionnellement un “faisceau” : grâce à des satellites, Strasbourg et Le Caire seront en liaison directe durant dix minutes. Encore faut-il atteindre les locaux de la seule compagnie à offrir ce service, au onzième étage d’une tour située? de l’autre côté de la place Tahrir. Il nous faut à nouveau courir à travers la foule, le gaz. Nous arrivons à l’heure pour notre rendez-vous avec le ciel, mais nous ne sommes pas seuls. Les correspondants de CNN, d’Al Jazeera, de la BBC attendent eux aussi leur tour, dans le même stress, corps en nage, au bord de la crise de nerfs. On le sait tous : un bon reportage est avant tout un reportage livré à temps. Les ordinateurs sont en surchauffe. “Le son est passé mais pas l’image !” nous lance Youssef, le technicien égyptien. Ses mains s’agitent. Il change un câble, allume une machine de secours. Soudain, quelques minutes à peine avant le début du journal, son visage s’éclaire. Kolo tamam ! – “Tout est OK !” »
(p. 11-15)

La conscience journalistique (p. 37-40)
Seul à seul (p. 68-72)
Extrait court
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