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Boissy-Lamberville, Lieuvin – Eure (France)
Année 2007
© Sophie Zénon
Polycultivateur et éleveur laitier. Membre de l’association normande Plumes des champs.

IV. Vacances – À mon remplaçant :


« Monsieur,
Vous allez me remplacer une semaine à la ferme, afin que je puisse partir en vacances.
Votre tâche consistera essentiellement à vous occuper des vaches laitières et de leur progéniture. Les animaux étant routiniers, il me paraît essentiel que vous passiez au moins quelques jours avec moi pour connaître leurs habitudes. Il vous faudra apprendre à vous faire obéir du chien qui va chercher les vaches. S’il ne vous connaît pas, il risque de vous mordre et, sans lui, vous n’arriverez pas à ramener les animaux. C’est un remarquable chien de troupeau mais il a un caractère difficile. Pour obtenir qu’il travaille, il faut jouer avec lui pendant une demi-heure, puis lui gratter les oreilles. Après seulement, vous pourrez l’envoyer rassembler les vaches en lui disant : “Va chercher !” Je vous apprendrai les ordres qui servent à le diriger vers la droite ou vers la gauche, mais attention, jamais un mot plus haut que l’autre, il est sensible. S’il croit que vous le grondez, il rentrera directement au chenil, tout seul. Ceci vous paraît peut-être un peu compliqué, mais quelle merveille que de le voir travailler et rassembler le troupeau ! Quelle satisfaction que de sentir sa joie du travail accompli ! Pour qu’il apprenne à vous connaître, deux journées devraient suffire.
Ensuite, il vous faudra savoir reconnaître toutes les vaches, une par une, et mémoriser leurs noms. En effet, mes vaches ont l’habitude d’être appelées par leur nom, sinon elles ne donnent pas leur lait. Vous prendrez garde à Danseuse, qui porte des coups de sabot… en vache. Si vous ne caressez pas Mésange, elle vous éclabousera (oui, vous avez bien lu). En fonction de vos capacités, une à deux journées devraient convenir à cet apprentissage.
Pour nourrir les animaux, vous utiliserez mon vieux tracteur. Je dois vous avouer qu’il est un peu capricieux et qu’il ne démarre pas toujours. Surtout, ne le garez pas dans un courant d’air, parce que là, à coup sûr, il ne démarre pas. Je vous montrerai comment le démonter et le remonter pour que son moteur veuille bien tourner. Deux à trois jours de mécanique, au bas mot, seront indispensables.
Je ne vous ai pas encore parlé des chambres d’hôte que je loue à des Anglais. Mes clients ne savent pour la plupart aucun mot de français. Je vous apprendrai donc quelques rudiments d’anglais, puisque vous ne savez pas le parler. Trois ou quatre jours devraient aller, n’est-ce pas ?
Une dernière chose. Faites-moi penser à vous montrer le tableau électrique et ses disjoncteurs qui sautent souvent et à vous indiquer quels appareils débrancher en cas de panne.
En me relisant, je m’aperçois qu’il vous faudra passer au moins dix jours avec moi pour apprendre à me remplacer une semaine. Je vais donc reconsidérer mon projet de vacances. En attendant que je parvienne à régler mon problème, recevez, Monsieur, mes salutations irremplaçables. »


Extrait de :

Plumes des champs, Itinéraires paysans en Normandie
(p. 110-111, Transboréal, « La clé des champs », 2007)

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