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Sur la route des messagers de l’Empire inca
par & Sébastien Jallade
le mercredi 16 janvier 2008 à 20 heures 30


Le « chemin du chef », le « grand chemin » : les qualificatifs ne manquent pas pour évoquer la voie mythique qui traverse l’intégralité de la cordillère des Andes au cœur de l’ancien Empire inca. De Pasto en Colombie jusqu’à Santiago au Chili, le tronçon central du réseau des routes incas s’élève à des altitudes comprises entre 3 000 et 5 000 mètres au-dessus du niveau de la mer, traverse la vallée des volcans sacrés en Équateur et la chaîne des Andes centrales péruviennes pour aboutir à Cusco, la capitale de l’empire. Au sud, il sillonne l’altiplano bolivien à partir du lac Titicaca puis franchit le célèbre désert d’Atacama avant de plonger vers les rives de l’océan Pacifique. Sur près de 6 000 kilomètres, la route inca relie les villes mythiques des Andes précolombiennes : Potosi, en Bolivie, et ses célèbres mines d’argent qui firent la fortune de la royauté espagnole, ou encore Cajamarca, au Pérou, la ville forteresse où l’empereur Atahualpa fut capturé par Pizarro en 1532. Cette date marque la fin brutale d’une civilisation dont l’apogée ne dura qu’un siècle mais dont l’étendue est sans équivalent sur le continent américain.
Le Qhapaq Ñan fut parachevé au XVe siècle, sous le règne de Tupac Yupanqui. Instrument de domination et de puissance de l’Inca, il était le principal vecteur d’échange et de circulation au cœur des Andes. Entouré d’un vaste réseau de chemins et de sentiers destinés aux caravanes de lamas bâtés et aux hommes, il desservait l’empire jusqu’à ses confins : jungle amazonienne, rivages du Pacifique, hautes vallées des Andes, steppe de l’altiplano, déserts côtiers… Les militaires, les commerçants et les artisans le parcouraient en tout sens et convoyaient toutes les marchandises utiles à l’empire : teintures, étoffes, métaux précieux, poisson… Ce sont pourtant les messagers de l’Empire inca, les chasquis, popularisés par les tissus où ils sont souvent représentés, qui symbolisent à merveille le mythe du chemin. Ces hommes se relayaient en courant et permettaient ainsi à un message de franchir la moitié de l’empire, soit 2 000 kilomètres, en quelques jours. Chaque communauté le long du chemin se devait de fournir en permanence plusieurs de ces messagers. Parce les chasquis étaient issus du peuple, ils sont aujourd’hui la principale fierté des pays andins. Tous les jours de marche, un tambo – « auberge » en quechua – ravitaillait les voyageurs et les messagers. Simple maison de pierres abritant voyageurs et animaux, les tambos s’adossaient parfois à des hameaux, qui centralisaient les richesses des communautés agricoles de la région. Enfin, tous les sept jours de marche environ, se dressait un centre administratif plus important, un tambo royal. Celui-ci était le siège d’un palais et servait de centre religieux et militaire. Tout au long du chemin, le territoire inca était donc maillé de lieux qui permettaient au souverain d’exercer son pouvoir.
Sur cet axe séculaire ou ses tronçons secondaires subsistent de nombreux vestiges archéologiques. Ils relient tous les sites cérémoniels précolombiens majeurs (Chavin, Tiwanaku, le Macchu Pichu, la vallée sacrée de l’Urubamba) ainsi que les deux anciennes capitales rivales de l’empire, Tomebamba en Équateur et Cusco au Pérou. Il traverse également une grande variété de communautés rurales et d’anciens centres urbains des principales civilisations pré-incas (Cañaris, Mochica, Chimu, Paracas, Tiwanaku), qui ont construit la trame de cette route royale dès le Xe siècle.
Depuis 2001, le « Proyecto Qhapaq Ñan » réunit l’Équateur, le Pérou et la Bolivie autour de la volonté de restaurer cette voie historique sud-américaine qui, en 2012, sera intégrée par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité.


C’est pour cela qu’Aurélia Frey et Sébastien Jallade ont choisi de parcourir la grande route inca. En 2006, ils fondent le projet « Colporteurs de mémoires » au sein d’une association qui milite pour la promotion du patrimoine immatériel au travers de projets culturels et artistiques à vocation internationale. Aurélia Frey, photographe, œuvre alors autour des thèmes qu’elle affectionne tout particulièrement : les intérieurs paysans, l’absence et la frontière entre réel et imaginaire. Sébastien Jallade, journaliste de mère argentine, travaille régulièrement en Amérique latine, cet « extrême Occident » qu’il côtoie depuis de nombreuses années et dont les frontières sociales et culturelles ne cessent de le fasciner. Rejoints par Stéphane Pachot, réalisateur de documentaires, ils décident de parcourir 2 000 kilomètres le long de la grande route inca, de Quito à Cusco, et de raconter un chemin qui relie les hommes depuis des siècles. À pied, à cheval, mais aussi parfois en véhicule, pendant près de cinq mois, ils vont parcourir l’Équateur et le nord du Pérou le long d’un chemin dont le pavage a parfois disparu. La pluie incessante rend le chemin impraticable et boueux, obligeant parfois les hommes et les chevaux à emprunter des chemins parallèles ou à renoncer à certaines portions de route. Les voyageurs choisissent alors d’aller s’immerger dans des communautés rurales. Le long du Qhapaq Ñan, ils rencontrent des bergers, des peintres paysans, des sculpteurs, des artisans, des mineurs, des prêtres, des étudiants… Ils veulent ainsi témoigner des histoires à la fois ordinaires et extraordinaires qui font aujourd’hui les Andes et le réseau des anciennes routes incas.





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