Îles Kerguelen – Des promontoires de pêche :

« Cernés par la brume, nous tirons des bords au large du cap d’Estaing, le plus septentrional de la Grande Terre. Après quelques heures de navigation feutrée, une masse sombre se dessine enfin : le pic Charcot. Tandis qu’il s’estompe dans les nuages, les contours de l’île du Roland se précisent. Nous pénétrons dans la crique Esnault, trop profonde pour un mouillage sûr. Qu’importe ! Les îles Nuageuses sont interdites d’accès car, n’ayant subi aucune introduction d’espèces animales ou végétales, elles conservent l’écosystème originel. Nous n’y restons donc pas, mais ressentons le plaisir d’observer une terre indemne, à l’instar des premiers explorateurs. C’est ici qu’au début du siècle les frères Rallier du Baty avaient ancré. C’était le premier mouillage de leur séjour à Kerguelen, qui allait durer un an et demi. Sans doute ont-ils été séduits comme nous par le vol des oiseaux planant à flanc de falaise, par cette douce houle agitant la chevelure des macrocystes. Sans doute ont-ils été distraits par le bond des manchots regagnant leur colonie, sur les pentes où le tussock oscille au gré des risées. Nous reprenons bientôt notre route vers l’île de l’Ouest, vers des sites ouverts à notre curiosité.
Cette nuit, nous devons naviguer au large pour rejoindre l’île de l’Ouest. La météo transmise par Port-aux-Français est favorable, aussi la baisse barométrique ne nous alarme-t-elle pas. Les quarts se déroulent sans encombre sous la pluie, bien qu’il nous faille effectuer une heure de couture sur la grand-voile. Le ciel se déchire à l’aube et l’île de l’Ouest apparaît sous la forme d’une bande sombre à l’horizon, tandis que certains rayons de soleil forment un rideau de lumière se reflétant sur les mille facettes du clapot. Mais l’éclaircie est brève, de lourds nuages s’amoncellent et une pluie torrentielle accompagnée de bourrasques s’abat sur Saturnin. Sous trinquette et grand-voile au bas ris, nous tirons des bords en direction de l’île. Malgré ses 10 tonnes, le voilier est le jouet des éléments, et sa barre difficile à tenir. Les embruns inondent le pont et cinglent nos visages. Après une heure de misère, nous gagnons l’abri d’une falaise noire et déchiquetée. Sous sa protection, nous longeons bientôt la côte vers l’est pour gagner l’anse du Duncan. Malgré deux heures d’efforts, nos ancres ne crochent pas, aussi attendons-nous que la tempête faiblisse pour, d’un coup de rame, aller frapper une aussière sur le rocher. »

Géorgie du Sud – Des rêves enfin réalisés (p. 26-27)
Îles Crozet – Curiosité réciproque (p. 68-71)
Extrait court
Extraits d’articles
L’avifaune des îles subantarctiques
Éléphant de mer
Orques au large des Quarantièmes
L’exploration des îles subantarctiques