Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Une forme d’art achevée :

« Beaucoup aujourd’hui ne comprennent pas cet attachement viscéral au jazz ancien : ils n’y voient qu’une absence d’évolution de la part d’esprits enkystés. Ils ne perçoivent rien de la profonde richesse de cet art, qui ne se révèle que progressivement au fil du temps et qui ne s’épuise jamais. Chacun de nous connaît par cœur le Mabel’s Dream de King Oliver ou le Cornet Chop Suey du Hot Five que nous avons écoutés sans doute plus de cinq cents fois au bas mot. Nous ressemblons à ces amateurs de peinture qui durant des années reviennent au Louvre pour s’asseoir inlassablement devant le même Rembrandt, qui se dévoile lentement à eux. Nous ressemblons à ces grands amoureux de littérature qui, après avoir dévoré des tas de livres, en reviennent à l’essentiel au crépuscule de leur vie, tel André Gide, relisant L’Iliade et L’Odyssée d’Homère ou Le Bourgeois gentilhomme de Molière. “Il faut s’intéresser au jazz moderne, nous dit-on parfois, au be-bop, au jazz-fusion, au funk, au soul, au free-jazz…” Nous préférons alors répondre par une boutade que nous sommes spécialistes de free jazz, puisque nous jouons souvent gratuitement ! En fait, ceux qui ne comprennent pas ce goût de l’approfondissement sont, les pauvres, des enfants d’une modernité fugace, où les modes se démodent, où une tendance chasse l’autre pour un règne éphémère dans une fuite en avant vide de sens. Le jazz ancien, porteur de valeurs pérennes et profondes, en est l’antidote.
Le jazz classique connaît une traversée du désert. Ce qui nous ravit cependant, de temps à autre, c’est l’étonnement émerveillé de jeunes qui entendent cela pour la première fois, par hasard, alors qu’ils ne vivent que pour le rock ! En réalité, cette musique magique est encore trop proche de nous pour qu’on en estime clairement la portée ; il faudra au moins un siècle pour qu’on lui rende pleinement justice. C’est ce qui arrive inexorablement dans tous les arts : les grands créateurs qui hissent un art jusqu’à un point d’incandescence connaissent fatalement ensuite une période de purgatoire, mais il est inévitable qu’on les redécouvre plus tard et qu’on les remette à leur vraie place. Molière a connu une éclipse de deux siècles, Balzac a longtemps été regardé comme un vulgaire écrivain de feuilletons parmi d’autres ; ce n’est qu’au XXe siècle qu’on a redécouvert Jean-Sébastien Bach et Vivaldi… Il n’est pas possible que tant d’inventivité créatrice, qui est à la source de toute la musique moderne, ne soit pas un jour reconnue.
Après avoir écouté à Londres le Southern Syncopated Orchestra de Will Marion Cook, le chef d’orchestre et musicologue suisse Ernest Ansermet, comprenant que ce qu’il venait d’entendre n’était pas une simple curiosité exotique, mais une forme d’art achevée, publia dans La Revue romande du 15 octobre 1919 un texte prémonitoire resté célèbre, intitulé “Sur un orchestre nègre”, qui est considéré comme le premier article sérieux et profond paru sur le jazz. Il avait été ébloui, entre autres, par le jeune Sidney Bechet. “Il y a au sein du Southern Syncopated Orchestra, un extraordinaire virtuose clarinettiste qui est, paraît-il, le premier de sa race à avoir composé sur la clarinette des blues d’une forme achevée. Extrêmement différents, ils étaient aussi admirables l’un que l’autre pour la richesse d’invention, la force d’accents, la hardiesse dans la nouveauté et l’imprévu. Ils donnaient déjà l’idée d’un style, et la forme en était saisissante, abrupte, heurtée, avec une fin brusque et impitoyable comme celle du Deuxième Concerto brandebourgeois. […] quelle chose émouvante que la rencontre de ce gros garçon tout noir, avec dents blanches et ce front étroit, qui est bien content qu’on aime ce qu’il fait, mais ne sait rien dire de son art, sauf qu’il suit son own way, sa propre voie, et quand on pense que cet own way c’est peut-être la grande route où le monde s’engouffrera demain.” Quelle formidable clairvoyance ! Quelle remarquable indépendance d’esprit chez un artiste qui aurait pu se discréditer aux yeux de ses pairs en écrivant une chose pareille au sujet de ce que beaucoup considéraient comme de la “musique de Nègres” !
La messe est dite. »
(p. 85-89)

Improvisation collective et extase (p. 18-21)
Prophètes, apôtres et saints (p. 47-50)
Extrait court
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