Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Et l’amour dans tout ça ? :

« Alors, si l’amitié donne du sens et qu’elle permet l’épanouissement, qu’est-ce qui nous empêche de nous en satisfaire exclusivement ? Le plus grand problème de l’amitié pour suffire, c’est qu’elle trouve son essence dans les idées : elle s’en nourrit pour naître, les combine afin de se développer et en produit de nouvelles pour perdurer. L’acte amical est toujours inspiré par la découverte ou par la confirmation d’un penchant rapprochant deux êtres. Or l’être, sur cette terre, est corps et passion – n’en déplaise à Descartes qui, dans son cogito, oubliait tout de même de penser l’autre. L’amitié n’est qu’une forme d’amour parmi quatre pour les Grecs : éros, l’amour naturel ou plaisir corporel ; agapè, l’amour divin ou universel ; storgê, l’amour familial ; philia, l’amitié, l’amour bienveillant, le plaisir de la compagnie. Si le terme aimance, inventé par le romancier Abdelkébir Khatibi, englobe ces différentes espèces d’amour, les limites entre chacune sont parfois floues. En particulier entre l’amitié et l’amour, tel que ce dernier est compris dans la société occidentale contemporaine, comme Graal promis aux jeunes filles des contes de fées. Le jeune garçon y hérite souvent, qu’il le veuille ou non, du rôle misogyne du héros délivreur. On sanctifie l’amour éros comme le but suprême à atteindre. C’est la case finale à laquelle tout bien-portant doit parvenir, la réponse ultime aux besoins de l’humain esseulé. Le mariage, aidé par la conception judéo-chrétienne dont nos mœurs sont encore bien teintées, en est l’institutionnalisation. Et, si l’amour représente bien plus que le sexe, il y est inévitablement lié. Pour les comparer ou esquisser des limites, on peut remarquer qu’il n’arrive guère de “tomber en amitié” comme on tombe amoureux. L’amitié s’affirme avec le temps, l’amour surprend en un éclair ; les amis franchissent l’absence, les amants se manquent ; les alliés se complètent, les partenaires fusionnent ; les compagnons partagent, les amoureux se désirent ; l’amitié est solidaire, l’amour est total ; les frères d’aventure s’épaulent, les flirts s’étreignent ; les camarades sont bienveillants, les tourtereaux se convoitent ; les vieilles branches n’ont pas changé, les vieux couples se séduisent encore ; l’amitié est guillerette, l’amour est concupiscent ; les équipiers sont francs, les adorateurs sont poètes ; les potes sont de grands enfants, les mariés font des enfants ; l’amitié est équilibre, l’amour est fou ; “Les copains d’abord”, “Je l’aime à mourir”.
Ces deux champs sont l’expression d’une nature humaine aux désirs multiples : d’un côté le partage désintéressé, de l’autre une pulsion brûlante irrésistible pour la relation fusionnelle. Une amitié digne de ce nom renvoie chacun dans ses retranchements pour devenir soi-même dans la disproportion, chaque partie se répondant l’une l’autre comme deux miroirs se renvoyant leur lumière à l’infini. L’amour, lui, réduit l’intervalle si nécessaire à l’amitié et tente de le réduire à l’unité. Probablement est-ce la raison pour laquelle certains le prétendent chimère : il n’y a rien de rationnel à vouloir “faire un” avec deux corps, c’est un renoncement de la raison et du bon sens. Mais c’est justement par ce magnétisme irrationnel qu’il nous attire. L’amour n’est peut-être pas raisonnable, mais il suffit comme sentiment. Les amis, aussi secourables qu’ils soient à faire de nous un peu plus nous encore, ne parviennent pas à sublimer l’échange en une finitude complète satisfaisant toutes les exigences de la vie. Cependant, amitié et amour ne sont pas deux pôles opposés qui se contrarient nécessairement. Lors d’un séjour aux États-Unis, je fus surpris qu’un certain nombre de couples réfèrent à leur moitié en utilisant aussi l’expression best friend. La culture populaire française, imprégnée de romantisme, semble prêter une pérennité inconditionnelle à l’amour et l’encense comme seule voie vers le vrai bonheur. En réalité, ils s’enchevêtrent aisément dans un couple où la flamme d’éros vibrionnante du début, à mesure qu’elle évolue, laisse place à une philia maintenant l’union solide dans le temps. Les deux élans coexistent, se répondant l’un l’autre. Le désir ardent complète la bienveillance sincère, l’exaltation des sens répond à la faveur tendre, les battements de cœur sont l’écho des concertations franches. Plus intéressant encore, philia peut sauver éros quand il s’atténue. Ce dernier revient à l’assaut quand on s’y attend le moins, se plaisant à souffler sur la braise. Les couples les plus heureux dans la durée sont probablement ceux où le rire réconcilie un passé auréolé d’une jeunesse fougueuse et un présent teinté du détachement cher à la relation amicale. »
(p. 67-71)

L’amitié peut-elle être virtuelle ? (p. 23-27)
Petits rituels de groupe (p. 30-35)
Extrait court
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