Îles Crozet – Curiosité réciproque :

« Saturnin roule doucement au mouillage. Toc… toc. De petits coups résonnent sur la coque. Depuis que nous sommes là, des dizaines de manchots royaux nagent autour du voilier et cognent sa carène avec leur bec. En laissant une main au ras de l’eau, nous arrivons à en toucher. C’est tentant ! Un manchot passe à proximité, et hop, nous l’expédions dans le cockpit. À bras le corps, nous contenons son envie de battre des ailerons, si rigides et puissants qu’ils pourraient nous laisser de sérieux hématomes. Nous nous défions aussi de ses coups de bec. Le manchot se calme et nous l’observons à loisir. Après quelques minutes, nous le libérons en le jetant par-dessus bord : décidément, il ne vole pas ! Guère traumatisé, il poursuit à la nage ses circonvolutions. Lorsque nous débarquons sur la plage, une foule nous accueille. Les manchots s’écartent sur notre passage, ouvrant ainsi une allée, et leur multitude se referme derrière nous. Dès que nous restons immobiles, ils se rapprochent jusqu’à nous toucher. À travers l’objectif, nous immortalisons cet instant, entourés d’une foule de supporters. L’un des manchots monte alors dans l’annexe ! Nous le laissons à ses aventures afin de rejoindre la zone de nidification de la colonie.
Gravissant une butte, nous constatons l’ampleur et la densité de la colonie de manchots royaux qui couvre les pentes. De son centre compact partent des ramifications emplissant les vallons. Quatre cent mille couples nichent ici ! Comiques quoique guindés, les palmipèdes se dandinent en files ininterrompues sur les coulées dépourvues de végétation qui mènent à la mer. Quelques individus vadrouillent, solitaires. Lorsque nous approchons, ces derniers se tiennent face à nous, les ailes écartées pour conserver leur équilibre. Becs tendus vers le haut, ils paraissent vouloir nous défier. Nous marchons à la périphérie de la colonie. Tous les oiseaux sont tournés dans la même direction, encombrés qu’ils sont par leur œuf qu’un bourrelet de peau maintient au chaud sur leurs pattes. Quelques-uns, maladroits, se tiennent en bordure du chemin. Bousculés par d’autres, ils tentent de se déplacer avec leur couvée en équilibre. L’un, malchanceux, perd son œuf qui roule dans la pente. Avant qu’il n’ait été récupéré, un skua se pose à côté et, de quelques coups de bec, en casse la coquille. Sous l’œil craintif du parent et devant ses congénères indifférents, le prédateur extirpe l’embryon sanguinolent. »

Géorgie du Sud – Des rêves enfin réalisés (p. 26-27)
Îles Kerguelen – Des promontoires de pêche (p. 98 -101)
Extrait court
Extraits d’articles
L’avifaune des îles subantarctiques
Éléphant de mer
Orques au large des Quarantièmes
L’exploration des îles subantarctiques