Collection « Sillages »

  • Népal
  • La 2CV vagabonde
  • Ísland
  • Habiter l’Antarctique
  • Cavalières
  • Damien autour du monde
  • À l’ombre de l’Ararat
  • Moi, Naraa, femme de Mongolie
  • Carpates
  • Âme du Gange (L’)
  • Pèlerin de Shikoku (Le)
  • Ivre de steppes
  • Tu seras un homme
  • Arctic Dream
  • Road Angels
  • L’ours est mon maître
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Cavalier des steppes
  • Odyssée amérindienne (L’)
  • Routes de la foi (Les)
  • Aborigènes
  • Diagonale eurasienne
  • Brasil
  • Route du thé (La)
  • Dans les pas de l’Ours
  • Kamtchatka
  • Coureur des bois
  • Aux quatre vents de la Patagonie
  • Siberia
  • Sur la route again
  • À l’écoute de l’Inde
  • Seule sur le Transsibérien
  • Rivages de l’Est
  • Solitudes australes
  • Espíritu Pampa
  • À l’auberge de l’Orient
  • Sans escale
  • Au pays des hommes-fleurs
  • Voyage au bout de la soif
  • Errance amérindienne
  • Sibériennes
  • Unghalak
  • Nomade du Grand Nord
  • Sous l’aile du Grand Corbeau
  • Au cœur de l’Inde
  • Pèlerin d’Orient
  • Pèlerin d’Occident
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Au vent des Kerguelen
  • Volta (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Atalaya
  • Voie des glaces (La)
  • Grand Hiver (Le)
  • Maelström
  • Au gré du Yukon
Couverture
La traque du « mangeur d’hommes » :

« Le lendemain matin, lorsque je sors de la cabine du launch et m’avance sur le pont, je suis confronté à un monde fantomatique. Un brouillard dense enveloppe la forêt et le fleuve. La jungle déjà lourde de menaces en temps normal semble encore plus inquiétante en cette froide matinée de novembre. Je distingue à peine les huttes enfumées d’où, après avoir avalé à la hâte un petit-déjeuner frugal, commencent à sortir les bawali. Les gros bateaux, amarrés près de la berge, partiront dans la matinée et doivent finir d’être chargés.
Ces katami nauka, expression qui signifie littéralement “bateaux à bois”, sont parmi les plus beaux du Bangladesh qui en compte des dizaines de types différents. Les hautes proues de ces voiliers aux lignes élégantes sont ornées de gros clous argentés formant de superbes motifs géométriques ; les cabines situées à l’arrière sont entièrement sculptées. Ils sont pour la plupart fabriqués dans les chantiers navals de Swarupkati, immense entrepôt du sud du Bangladesh d’où le bois des Sundarbans est expédié. Les katami nauka mettent environ quatre à cinq jours pour atteindre Swarupkati. Ils quittent les Sundarbans au début de la marée haute et sont propulsés au moyen d’une gigantesque godille actionnée à tour de rôle par des bateliers juchés sur une plate-forme surélevée. Les équipages de sept à huit hommes passent la majeure partie de leur vie à bord du bateau, ne s’octroyant que quelques jours de repos entre deux voyages dans la jungle.
Le soleil matinal commence à dissiper les bancs de brume qui s’effilochent. Feroze prend quelques photos des bawali qui halent les lourds troncs d’arbres vers les bateaux amarrés. Comme à leur habitude, ils chantent tout en travaillant. Feroze revient vers moi en riant. Je lui demande de me traduire ce chant de travail. “Ils parlent de nous.” Je le regarde étonné et il me traduit alors cette chanson : “Ô mes frères, nous sommes épuisés, sans la moindre vigueur dans nos corps. Nous n’avons plus de force. Nos amis étrangers sont venus dans cette forêt. Nous espérons qu’ils vont nous donner quelque chose, mais nous ne savons pas quoi. Nos amis étrangers sont venus de loin et nous, nous avançons. E-ha-ray ! Camarades ! Prononcez le nom d’Allah ! Camarades ! Prononcez le nom de Rasoul, le saint prophète, et toutes les menaces disparaîtront.”
Daryajhal, mahual, bawali, ils semblent tous partager cette foi en un Dieu tout-puissant et en son prophète ou en des divinités sylvestres qui éliminent toutes les menaces lorsqu’on invoque leurs noms. Une foi tenace, chevillée au corps, qui résiste aux nombreux témoignages de morts violentes dans cet environnement délétère. Qu’attendent-ils d’extraterrestres comme nous hormis quelques roupies ? Un visa pour un monde meilleur où ils ne seraient pas exploités, contraints à un travail exténuant et constamment menacés ?

En partant pour une autre coupe, située à plusieurs heures de bateau, où Feroze doit prendre des photos pour son entreprise, nous prenons rendez-vous avec Pachabdi qui doit regagner Dhangmari. À bord du launch qui nous emmène vers cette coupe distante, je me remémore les histoires entendues la veille et compare ma vie sédentaire, calme, sans incidents, à celle de ces bûcherons et des milliers d’hommes vivant dans la jungle. Le hasard m’a fait naître dans un monde meilleur, plus juste et protecteur au niveau social que celui de ces bawali livrés à la cupidité des hommes et à la cruauté de la nature. Ce n’est pas la première fois, au Bangladesh ou au Pakistan, que je suis confronté à la misère avilissante ou à l’exploitation sordide dans ces sociétés profondément inégalitaires. Mais je n’avais jamais mesuré auparavant, dans cette frontière sauvage, la différence vertigineuse qui me séparait d’autres hommes et le privilège incroyable de ne pas avoir à risquer sa peau à tout moment pour une poignée de takas. »
(p. 73-75)

Les Bhopa, bardes du Rajasthan (p. 295-300)
Gilgit, le jeu des rois (p. 341-347)
Extrait court
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