Collection « Sillages »

  • Treks au Népal
  • La 2CV vagabonde
  • Ísland
  • Habiter l’Antarctique
  • Cavalières
  • Damien autour du monde
  • À l’ombre de l’Ararat
  • Moi, Naraa, femme de Mongolie
  • Carpates
  • Âme du Gange (L’)
  • Pèlerin de Shikoku (Le)
  • Ivre de steppes
  • Tu seras un homme
  • Arctic Dream
  • Road Angels
  • L’ours est mon maître
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Cavalier des steppes
  • Odyssée amérindienne (L’)
  • Routes de la foi (Les)
  • Aborigènes
  • Diagonale eurasienne
  • Brasil
  • Route du thé (La)
  • Dans les pas de l’Ours
  • Kamtchatka
  • Coureur des bois
  • Aux quatre vents de la Patagonie
  • Siberia
  • Sur la route again
  • À l’écoute de l’Inde
  • Seule sur le Transsibérien
  • Rivages de l’Est
  • Solitudes australes
  • Espíritu Pampa
  • À l’auberge de l’Orient
  • Sans escale
  • Au pays des hommes-fleurs
  • Voyage au bout de la soif
  • Errance amérindienne
  • Sibériennes
  • Unghalak
  • Nomade du Grand Nord
  • Sous l’aile du Grand Corbeau
  • Au cœur de l’Inde
  • Pèlerin d’Orient
  • Pèlerin d’Occident
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Au vent des Kerguelen
  • Volta (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Atalaya
  • Voie des glaces (La)
  • Grand Hiver (Le)
  • Maelström
  • Au gré du Yukon
Couverture
Tatras : l’esprit de la montagne :

« Au col Smutné, nous récupérons la ligne de crête pour gravir le Plačlivé. La roche est glissante et l’arête ne cesse de rétrécir. Elle ne fait guère plus d’un mètre de large. S’il venait à neiger, ce serait une catastrophe. S’il venait à pleuvoir, ce serait pire encore. Si le vent se levait, il pourrait chasser les nuages, faire entrer la lumière et dégeler les pierres. Oui, le vent pourrait nous sortir d’affaire. L’idée me réconforte et je m’y accroche plus encore qu’à la roche. Mais nous avançons à califourchon sur une crête gelée, aiguisée comme le tranchant d’un couteau. Nous ne sommes ni alpinistes ni grimpeurs, et il faut se rendre à l’évidence : l’expérience du marcheur ne suffit plus. Nous faisons demi-tour mais, au moment de repartir, quelque chose nous retient, une sorte de halo, une lueur surgie du ciel. L’esprit de la montagne nous fait signe. Aurait-il approuvé nos offrandes ? Une légère brise se lève et, contre toute attente, un soleil victorieux jaillit entre le coton des nuages. L’espoir renaît. Des lambeaux de brume s’écartent, laissant apparaître d’immenses auges glaciaires où s’éparpillent des lacs alpestres minuscules. La montagne a éclos brusquement comme si elle venait de sortir des entrailles de la terre. Pour la première fois, je prends conscience des forces titanesques qui ont bâti les sommets sur lesquels nous marchons. Je ne me suis jamais senti si insignifiant. Devant les puissances qui ont façonné le monde nous devrions déguerpir, fuir au plus vite vers les forêts profondes, mais le soleil nous a redonné courage. Nous traversons les dentelures du Plačlivé en direction de la silhouette inquiétante de l’Ostrý Roháč. Son arête est aiguisée comme le tranchant d’une lame. Je cherche le chemin qui nous permettra de la franchir mais il n’y a pas de ligne de crête. L’unique passage est une voie d’escalade le long d’un à-pic de plusieurs centaines de mètres. Une vieille chaîne pendouille en travers de la paroi pour tenter les plus audacieux. Il est trop tard pour faire demi-tour. Je m’agrippe aux anneaux rouillés et m’engage sur la face. Mes pieds cherchent appui sur les minces nervures de granit. Kristel est juste derrière moi. Nous avançons à tâtons, embarrassés par les bâtons de marche et les sacs qui nous tirent vers les gouffres. La chaîne se tend, je l’entends qui grince. Nos vies ne tiennent qu’à cette bride de métal que nous serrons de toutes nos forces. En bas, le paysage a pris des proportions miniatures. J’essaie de ne pas y penser, quoique le souvenir des petites plaques métalliques vienne briser mes efforts. Mes mains deviennent moites. Kristel me parle mais je ne l’entends pas. Les muscles se contractent. Je sens mon pouls battre dans ma gorge. La peur infecte mes pensées, telle une piqûre. La peur est un poison. J’essaie de la refouler mais elle grandit, se propage jusque dans mes doigts engourdis. Me vient un court instant l’idée de lâcher les amarres, mais je me ressaisis. J’inspire profondément. Les battements de mon cœur s’apaisent. Un dernier effort puis nous atteignons l’extrémité de la paroi. Ostrý Roháč est derrière nous et déjà les nuages reviennent. Pour cette fois, la montagne nous a laissé passer. »
(p. 62-63)

Sourires pourpres (p. 102-103)
Le langage des pierres (p. 193-195)
Extrait court
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