Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Le volcan :

« “Rire avec les roches, écouter le chant des pierres, penser qu’elles nous consolent ou nous guérissent… Comment peut-on partager ses joies, ses peines, sa vie avec des cailloux !
– Mais ces cailloux, Monsieur, ces cailloux sont vivants ! Regardez-les se modifier avec le temps, s’embellir dans la nacre lunaire, se parer de lichens safranés ou céladon ! Quel raffinement ! Et surtout, soyez discret lorsque vous les apercevrez, pudiques et secrets, drapés de brume ou de bruine dans un petit matin d’automne.”
Cette image de roche et de brume me rappelle la silhouette colossale d’un volcan, le Tungurahua, situé à proximité de Cotalo, un modeste village équatorien. Montagne noire au cœur de feu, ce volcan a repris son activité depuis quelques mois et recouvre la nature et les hommes de ceniza, cette cendre très fine, étouffante et mortelle qui s’infiltre partout. Partie du village, j’ai suivi un sentier en lisière d’un bois d’eucalyptus et, les yeux rivés sur le volcan, j’attends qu’il se découvre, car sa tête est enveloppée d’épais nuages de fumée dense et grise. Le volcan est voilé. Je ne perçois de lui que sa large base, corps sombre et imposant qui secoue par moments la terre d’un grand frisson.
C’est à ce moment que, pourtant complètement absorbée, j’entends des pas. Un vieil homme au visage très beau s’approche, tranquille. Ses yeux sont noirs et brillants. Son regard est paisible et infiniment vivant. “Le Tungurahua est timide, me lance-t-il. Il se cache quand on vient ici pour l’admirer !” Nous nous sourions. Il me raconte alors le drame du village. L’armée venue chercher les familles. La vente du bétail à prix dérisoire. L’exode en ville. Le désœuvrement. La pauvreté. Puis le retour après plusieurs mois d’exil. Les cultures, contaminées par l’exubérance du volcan ne contiennent plus de promesses. Les hommes ici n’ont plus rien !
Nous partageons le pain et les fruits que j’avais emportés. Sous nos dents crisse la poussière volcanique qui s’insinue jusque dans nos bouches. J’écoute cet homme qui, au-delà de son désarroi, me dresse le portrait de cette montagne en éruption. Je le vois qui s’anime et s’émerveille en me décrivant la beauté et la puissance de la candela lorsqu’elle jaillit dans le ciel noir de la nuit. Et malgré son charme mortel, malgré sa beauté infernale, le volcan soudain devient divin !
Tout à coup monte un grondement sourd. Il emplit l’espace, éclate et fait trembler la terre et le ciel. Je tourne mon visage vers la montagne en fusion qui crache sa colère à la face du monde en envoyant une gigantesque bouffée de fumée. J’ai peur. Le regard de l’homme et le mien se métissent, et je sens monter des larmes qui traceront deux petits sillages sur mes joues marbrées de poussière et de cendre.
J’étais venue jusque-là pour rencontrer un volcan. Univers minéral fascinant où la pierre, devenue souple et fluide, se pare d’or en flammes et de gris cendré. Explosions violentes et soudaines. Projectiles en feu. Fleuves de boue épaisse, rouge, orange et jaune dévalant les pentes noires d’un relief qui semble en guerre. La terre nous donne à voir ses entrailles. Expulsées. Projetées à la face du ciel. Univers fougueux et brutal. Imprévisible et qui, dans l’enfer de sa beauté fatale, offre la mort en promettant de nourrir la vie.
J’étais venue rôder jusqu’ici pour rencontrer un volcan et m’émerveiller de sa force et de sa beauté. J’y ai croisé un homme. Qui portait en lui ces deux qualités. Force de la délicatesse et beauté de la dignité. Douceur de la flamme lorsqu’elle prend soin de la vie.
Un volcan. Puissance et démesure.
Un homme. Tendresse et bienveillance. La caresse d’un souffle léger qui m’a plus secouée que la montagne en feu, je crois. »
(p. 33-36)

La turquoise (p. 56-60)
Les fossiles (p. 84-86)
Extrait court
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