Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Improvisation collective et extase :

« La magie du jazz hot – le vieux style – doit beaucoup à l’improvisation collective. Je dis bien “collective” et pas improvisation tout court, parce que cela, ça existe ailleurs. Improviser à trois ou quatre voix – c’est-à-dire un ou deux cornets, une clarinette et un trombone –, c’est élaborer dans l’instant une polyphonie envoûtante qui suppose un équilibre subtil. Du désordre apparent, dû au fait que chaque instrument jouit de son propre phrasé, naît un ordre supérieur, une harmonie profonde. Wynton Marsalis, l’un des rares musiciens de jazz moderne à apprécier en connaisseur le jazz hot, a parfaitement raison de dire que l’improvisation collective est cathartique quand elle fonctionne bien. Au sens étymologique du mot : elle délivre des mauvaises passions, comme le prétend Aristote à propos du théâtre tragique, en faisant communier les musiciens dans un état second. Ce n’est pas une image de dire qu’on se trouve alors en apesanteur. Jouer en collective influence le psychisme : je pense, pourquoi pas, aux neuropsychologues qui parlent à cet égard d’états modifiés de conscience, dans lesquels nos perceptions se transforment.
Dans l’improvisation collective, il faut à la fois rester soi-même et prêter une grande attention aux autres. En disant que “le jazz est sans doute la seule forme d’art existant aujourd’hui qui maintienne la liberté de l’individu sans lui ôter le sentiment de son appartenance”, le pianiste Dave Brubeck ne manque pas de finesse. Il ne s’agit pas de se mettre en avant, mais de se mettre au service de l’ensemble, ce qui suppose un certain effacement de soi en même temps qu’une intelligence du placement.
Car l’improvisation collective demande des qualités spécifiques : certains musiciens sont d’excellents solistes mais se révèlent ternes, voire gênants en collective. C’est qu’ils “se placent” mal, leur phrasé n’enrichit pas le discours d’ensemble et devient même parasitaire. C’est plus une question de sensibilité que de technique. Il ne s’agit pas seulement de faire des phrases musicales qui “collent” à l’harmonie : ça, ce n’est que de la technique. Il faut aider le cornettiste qui “mène” la collective, prolonger ses phrases pour qu’il respire, le soutenir en devançant ses attaques, l’épauler à la tierce à certains moments, travailler en somme à la cohésion de l’ensemble. Et tout cela, sans tirer la couverture à soi.
Cette complémentarité des phrasés est merveilleusement servie par celle des tessitures et des timbres. Dans les “petites formations” comme celles du Hot Five ou du Hot Seven d’Armstrong, l’équilibre parfait et l’élégante clarté de la section mélodique tient au fait que le cornet – plus tard la trompette – mène et expose la mélodie, alors que la clarinette brode des contre-chants dans un registre plus aigu, et que le trombone soutient en basses et en glissandos ou complète le phrasé du cornet en prolongeant ses idées ou en y répondant. Dans le genre, le fameux Original Creole Jazz Band de King Oliver atteint la perfection : on y entend quatre voix qui improvisent ensemble, et chacun des instruments contribue à la richesse de la collective, tout en déroulant un discours cohérent en soi, de sorte qu’on peut aisément le suivre dans sa logique discursive. Cette polyphonie égalitaire suppose une virtuosité inouïe.
Improviser en chorus, c’est-à-dire en solo, est encore une autre affaire. L’improvisation ne s’improvise pas, si l’on peut dire : elle suppose un long apprentissage. Il n’y a que dans les films d’Hollywood des années 1950 qu’un adolescent bon genre se jette sur une trompette qui traînait là par hasard et met aussitôt en transe tout un collège ! L’apprentissage commence humblement par la copie fidèle : on s’efforce de “repiquer” note pour note, si on en a les moyens techniques, les chorus des maîtres. Mais repiquer n’est pas si simple : refaire scrupuleusement les notes qu’on entend, ça ne suffit pas. Ce qu’on reproduit avec servilité ne ressemble à rien parfois ; tout ce qu’on arrive à faire, c’est à se couvrir de ridicule dès la deuxième mesure. Il faut au contraire comprendre la syntaxe du maître, assimiler en profondeur sa façon de phraser, sa manière d’attaquer les notes… »
(p. 18-21)

Prophètes, apôtres et saints (p. 47-50)
Une forme d’art achevée (p. 85-89)
Extrait court
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