Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
L’amitié peut-elle être virtuelle ? :

« De nos jours, la sphère virtuelle s’empare du terme “ami” et tente justement de le conformer aux écrans. Quelles conséquences pour ceux qui naissent aujourd’hui et expérimentent bien assez vite ce succédané d’interaction humaine ? Et pour tous : quel rapport entretenir avec la représentation digitale de l’être fait de chair et d’os, celui qui vous donne une tape amicale dans le dos ou celle dont le rire rayonne jusqu’à vos oreilles ? Il m’apparaît une chose assez simple : les centaines d’amis auxquels nous sommes connectés sont tous logés à la même enseigne – entre 0 et 1, pas de nuance, plus de notion de “meilleur ami”, de “connaissance éloignée” ou tout autre terme servant à qualifier un rapport humain. Or, tout au long de sa vie, chacun voit des liens se nouer et se dénouer au gré de l’évolution des niveaux de familiarité. Pourquoi devrait-on demander l’autorisation de devenir amis ? Dans le monde réel, nous le devenons simplement, c’est ainsi. Sur les réseaux dits “sociaux”, on élimine souvent de notre liste ceux qui affichent des opinions choquantes. On tend ainsi vers un monde sclérosé où chaque cercle devient de moins en moins poreux aux idées nouvelles, une série de cercles clos en somme. Dans la vraie vie, une opinion déplacée n’implique pas une exclusion stricte. Mais l’architecture du réseau ne semble pas pensée pour l’échange intime raffiné, encore moins ses algorithmes structurels. Alors, ce n’est pas tant la technologie existante qui chagrine, mais la terminologie qui l’enrobe et l’usage qui en est fait. Et puis, soyons francs : plus d’excès de personnalité entre les lignes de code des serveurs, plus de fous rires dans les électrons, un croisement de regards pixellisé, des dialogues concaténés sans rature, amputés du charme manuscrit. On s’abreuve aujourd’hui de like et de followers comme d’une monnaie sociale ne rétribuant qu’un avatar. Ceux qui naissent à notre époque pourraient bien déformer l’amitié dans sa forme numérisée. Ils ne comprendront peut-être plus la même chose à cette relation. En la canalisant dans le digital, on la bride et la dénature. Dans ce contexte, quel nouvel exemple illustre pour succéder à la Beat Generation de Kerouac et de ses potes ? En formalisant sa substance dans le réseau, on oublie toute la magie de ce que les philosophes grecs considéraient comme “le plus grand des biens”.
L’Edda, texte majeur de la mythologie scandinave, souligne justement qu’un ami accorde ses faveurs si l’on frotte souvent son humeur à la sienne lors de visites régulières. Les civilisations anciennes auraient un regard ahuri sur le résultat d’études récentes, lesquelles suggèrent que les adolescents accordent davantage de confiance à leurs camarades à l’écran qu’à ceux qu’ils côtoient pour de vrai ! Même si les marchands armés de marketing féroce nous aliènent encore à l’âge adulte, ma génération est la dernière ayant vu le monde sans outils connectés permanents. Peut-être la dernière également à conserver le recul nécessaire pour saisir la différence entre ces interactions. La rencontre humaine, condition sine qua non pour voir naître l’amitié, n’est plus une évidence, surtout pour la génération haut débit. Certes, les réseaux sociaux peuvent constituer un lieu de mise en contact donnant suite à un échange qualitatif “digistolaire” comme beaucoup sont restés amis “épistolaires”. Mais il est dommage de voir l’écriture étriquée par les interactions possibles décidées par les développeurs. La pensée pâtit de la technique. Peut-on alors encore parler de rencontre humaine ? Lorsque la confiance passe exclusivement par l’écran, il s’agit plutôt d’une illusion de compagnie où l’on est en réalité “seuls ensemble”, séduits de pouvoir garder le contrôle de son apparence. En s’y accoutumant, la rencontre naturelle effraie. On oublie que les amis sont là pour nous faire prendre conscience de nous-mêmes. L’intimité du face-à-face reste la manière la plus naturelle d’interagir. Aucun doute, les réseaux sociaux exploitent un besoin de voir les relations humaines s’améliorer, mais trop en subissent en réalité l’enfermement. Pourtant, dans le même temps, beaucoup prennent conscience de problèmes de société à une vitesse fulgurante, conduisant ainsi à de vrais rassemblements d’hommes et de femmes. Ces rendez-vous devraient en être la finalité. Un de mes professeurs de lycée disait : ce qui fait la valeur de quelqu’un, c’est ce qu’il lui reste quand il est à poil ! Comment s’enquérir de la singularité d’autrui à travers les technologies de l’instantané sans pour autant garder vivace l’intensité du verre trinqué, de l’accolade, du rire esclaffé ? On peut se servir d’un marteau pour planter un clou ou se taper sur le doigt. »
(p. 23-27)

Petits rituels de groupe (p. 30-35)
Et l’amour dans tout ça ? (p. 67-71)
Extrait court
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