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En Algérie sur les traces de Maupassant
par
le jeudi 2 décembre 2010 à 20 heures 30


« Féerie inespérée et qui ravit l’esprit ! Alger a passé mes attentes. Qu’elle est jolie, la ville de neige sous l’éblouissante lumière ! Une immense terrasse longe le port, soutenue par des arcades élégantes. Au-dessus s’élèvent de grands hôtels européens et le quartier français, au-dessus encore s’échelonne la ville arabe, amoncellement de petites maisons blanches, bizarres, enchevêtrées les unes dans les autres, séparées par des rues qui ressemblent à des souterrains clairs […] De la pointe de la jetée le coup d’œil sur la ville est merveilleux. On regarde, extasié, cette cascade éclatante de maisons dégringolant les unes sur les autres du haut de la montagne jusqu’à la mer. On dirait une écume de torrent, une écume d’une blancheur folle et, de place en place, comme un bouillonnement plus gros, une mosquée éclatante luit sous le soleil. »
« Au soleil » est le premier texte dans lequel Maupassant explique ce qui l’a attiré vers l’Algérie, qui deviendra très importante pour lui. En fait, il a accepté une mission de grand reporter pour le journal Le Gaulois, dont le patron, Arthur Meyer, deviendra l’un de ses amis. Écrivain au talent immense, il a aussi trempé sa plume dans le journalisme, ce qui lui permettait sous une forme courte d’exercer son art de la description – et il y a dans tous les textes qu’il a consacré à l’Algérie quelques morceaux remarquables que tous les littérateurs d’aujourd’hui aimeraient avoir écrits – en même temps que son acuité et ses pénétrantes observations sur des sujets de son temps. Si on replaçait ces propos dans nos sociétés contemporaines, il y aurait de façon quasi certaine des procès pour racisme, antisémitisme, outrage aux bonnes mœurs ou contestation des autorités en place. Ces propos-là, le concernant, et sujets à caution, sont en réalité des observations individuelles, précises, de ce qu’il a vu et ressenti, et non pas des généralités véhiculées par des opinions courantes et simplificatrices. Et selon les gens ou les situations, elles peuvent changer, et ses traits font mouche s’appliquant à tous. Ainsi, le colon, le militaire, l’Arabe (terme générique), le nomade peuvent être décrits avec la même vigueur, très critiqués ou admirablement loués, non pas pour leur nature intrinsèque de colon, de militaire, d’Arabe ou de nomade, mais pour leur comportement, leur intelligence ou leurs attitudes personnelles. Sous ces charges parfois violentes, il reste l’objectivité de l’observateur impartial, sans idées préconçues. Il n’en reste pas moins qu’il essuierait les foudres de la censure, mais comme il s’agit de Maupassant, cela n’est plus guère possible.
Le lecteur est surpris par la clarté et la richesse de la langue de Maupassant dans ses écrits sur l’Algérie – tous publiés de façon fragmentaire dans ses différents recueils, ce qui a fait que beaucoup de maupassantophiles sont passés à côté de ce sujet pourtant essentiel dans son existence. En fait, Maupassant donne à ses propos algériens la même vigueur qu’à ceux pour lesquels il est connu et admiré : sur le terroir normand, sur la vie parisienne, sur les affres de la guerre de 1870. C’est un bonheur. Et l’Algérie qu’il a tant aimé et dont il est tombé amoureux à la première minute représente en réalité la face ensoleillée de son existence si la Normandie en est la face pluvieuse. Son premier séjour « commandé » en juillet 1881 l’a tant séduit qu’il y est retourné à l’automne, pour y rester deux mois. Il quitte Alger pour Oran, Boghar, le Djebel-Amour, le Zar’ez, la Kabylie puis Ghardaia. Plus tard, envoûté par le Sud, charmé par le désert et ses nomades, il retournera en Algérie à deux autres reprises, toujours pour son propre compte et pour s’y réchauffer, au sens propre comme au sens figuré.




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Livre de l’intervenante en rapport avec cette conférence :
Guy de Maupassant, Sur les chemins d’Algérie


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