Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Ça danse à la Mouffe :

« Paris, rue Mouffetard, un dimanche à 11 heures du matin. Du bas de la rue, le parvis de l’église Saint-Médard, montent entre étals de fromages et éventaires de fruits et légumes le son d’un accordéon et la voix d’une femme amplifiée par des enceintes. Elle interprète Mon amant de Saint-Jean, ce mini-drame en trois couplets que chanta Lucienne Delyle pendant la Seconde Guerre mondiale. Au refrain, on discerne la voix de plusieurs chanteurs : habitants du quartier et promeneurs occasionnels se rassemblent un moment autour des grands succès du XXe siècle. La sélection, à vrai dire, dépasse rarement les années 1960 : La Java bleue, À la Bastille, La Vie en rose, La Bohème, La Mauvaise Réputation, Un gamin de Paris, La Complainte de la Butte, C’est un mauvais garçon… Debout sous un parasol vert, un accordéoniste dirige avec entrain cette chorale impromptue, où se mélangent, tant bien que mal, les voix des habitués à celles des gens de passage.
Les organisateurs de cette “chorale du dimanche” distribuent des feuillets sur lesquels sont inscrits les textes des chansons. Jadis, on les nommait des “imprimés” ; ils furent le premier mode de fixation et de diffusion de l’art de la chanson. Chacun d’entre eux portait la mention “Sur l’air de…”. Cette indication suffisait pour chanter les paroles, car la mélodie, traditionnelle ou à la mode, était connue de tous. Ces mélodies s’appelaient des “timbres”. Ainsi, sur la mélodie de J’ai du bon tabac, qui remonte au XVIIIe siècle, on chantait dans le Val-de-Loire : “Tout le long du bois/J’embrassai Jeannette/Tout le long du bois/J’l’embrassai trois fois”. Une fois que les textes furent fixés sur le support du papier, ils purent – proportionnellement au recul de l’analphabétisme – être vendus par les colporteurs, les marchands de journaux et les chanteurs des rues.
Les choristes amateurs de la rue Mouffetard perpétuent donc sans toujours le savoir une vieille tradition, et confirment l’une des caractéristiques principales de la chanson : la musique se retient plus facilement que le texte. La raison en est qu’elle prend toujours la forme d’un motif court et cyclique. Schématiquement, on peut dire que le compositeur écrit un thème qui colle au premier couplet, puis le réutilise quand vient le deuxième, si bien que les paroles évoluent, mais pas la musique. Un principe d’autonomie et de répétition mélodiques qui provoque le double plaisir de l’attente et de la satisfaction de cette attente chez l’auditeur qui parcourt un chemin dont le déroulement est tracé dès les premières notes.
Pendant ces matinées dominicales, un bal s’improvise. Des couples se forment le temps d’une valse, d’un fox-trot ou d’une java : en plus de la mélodie, le rythme de l’accompagnement, sa pulsation, s’inscrivent dans leur mémoire corporelle. D’ailleurs, quand une chanson monte à nos lèvres, si les mots nous manquent nous fredonnons la mélodie, et remplaçons les mots manquants par des onomatopées : “Parfois on change un mot, une phrase/Et quand on est à court d’idées/On fait lalalalalala”, précisait malicieusement Charles Trenet dans L’Âme des poètes. Puis nous claquons des doigts, tapons du pied pour marquer la mesure, comme dans ces concerts où le public applaudit en rythme. Cela ressemble au début d’une chorégraphie. Réussir à faire danser les auditeurs d’une chanson est toujours un gage de popularité. Le succès planétaire de Michael Jackson tient en partie à cet usage de la pulsation qu’il transcenda en s’appropriant des pas de danse, que ses adorateurs cherchaient à reprendre. De cette manière ses chansons s’insinuaient encore plus facilement dans les mémoires. La mélodie d’une chanson ne s’oublie jamais ; elle se grave dans la mémoire de l’auditeur, à son insu ! Tout auteur sait du reste que son travail doit s’articuler autour de cet impératif ; il n’y a pas pour lui de compliment plus grisant que : “Ta rengaine a tourné dans ma tête toute la journée… je te maudis !” »
(p. 34-38)

Au Lapin agile (p. 64-67)
Un vaste patrimoine (p. 78-81)
Extrait court
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