L’exploration des îles subantarctiques



Mandaté pour rechercher le continent austral, Yves de Kerguelen découvre le 13 février 1772 l’archipel qui portera son nom. Un de ses officiers prend possession de cette terre au nom du roi de France. Deux ans plus tard, un second voyage, mal organisé et subissant des conditions météo difficiles, ne permet pas de réaliser davantage d’observations, toutefois la pauvreté de l’île est reconnue.
Au cours de sa troisième circumnavigation, le capitaine Cook fait escale à Kerguelen. Lors de l’été austral 1776-1777, Cook décrit ainsi « une île assez petite que, à cause de sa stérilité, j’appellerai avec justesse l’île de la Désolation, si je ne voulais pas enlever à monsieur de Kerguelen l’honneur de lui donner son nom ».
La première moitié du XIXe siècle connaît une grande activité de chasse aux pinnipèdes et à la baleine. Les chasseurs débarquent sur toutes les plages, même les plus exposées, pour traquer les troupeaux d’otaries et d’éléphants de mer. Les navires baleiniers restent deux à trois ans dans les eaux de Kerguelen pour y remplir leurs cales. À la fin de l’année 1874, des expéditions de trois pays différents – Angleterre, Allemagne, États-Unis – sont à Kerguelen pour observer le transit de Vénus devant le Soleil. Au début du siècle, les frères Rallier du Baty effectuent deux expéditions leur permettant de cartographier l’essentiel des côtes. La recherche scientifique prend ainsi le pas sur l’activité commerciale.

L’exploration des îles subantarctiques
Brève géologie
Les îles Subantarctiques sont très diverses dans leur formation et leur aspect. Les Malouines sont issues de plissements de roches sédimentaires qui eurent lieu durant l’ère primaire et l’ère secondaire. Les trois principales chaînes de montagnes culminant à 705 mètres présentent des sommets arrondis. De rares traces de glaciation existent au-dessus de 600 mètres. Des formations, appelées stone runs, sont constituées de rochers dont l’accumulation aurait été provoquée par le déplacement de boues lors de phénomènes de solifluxion. La Géorgie du Sud est l’émergence d’une dorsale sous-marine, dite dorsale des Antilles du Sud, qui se prolonge jusqu’à la péninsule Antarctique. Il s’agit d’une chaîne de montagnes culminant à 2 934 mètres et englacée à 90 %. Les plus grands glaciers, tel le Nordenskjöld, vêlent de dangereux icebergs. À l’exception des dépôts fluviaux glaciaires, il y a peu de terrains plats.
L’île Bouvet est la terre la plus isolée du globe. Il s’agit de la partie émergée d’un volcan appartenant à la dorsale médio-atlantique. Le sommet s’élève à 700 mètres et l’île est recouverte à 93 % par une calotte glaciaire. L’île Marion est l’un des pics jumeaux d’un volcan, l’autre étant l’île Prince Edward, éloignée de vingt kilomètres. Elle semble récente et connaît encore des éruptions mineures. L’archipel de Crozet regroupe cinq îles sur un plateau daté du miocène. Les trois principales, de formes régulières, sont des sommets volcaniques s’élevant à 700, 900 et 1 000 mètres. Deux petites îles ressemblent plus à des rochers déchiquetés et s’élèvent à 200 ou 300 mètres.
L’archipel de Kerguelen est plus ancien, sa formation remontant à quarante millions d’années. Il est constitué à 80 % d’entablements basaltiques. Les fossés d’effondrement ouvrent de larges vallées occupées par d’innombrables lacs. Aux régions volcaniques (mont Ross culminant à 1 850 m) s’opposent les plaines de la péninsule Courbet. Durant l’ère quaternaire, la glaciation était généralisée. Aujourd’hui, les glaciers couvrent encore 11 % de ses terres. L’île Heard est un volcan actif, culminant à 2 745 mètres : sa dernière éruption remonte à 1985. À l’exception de ses péninsules, l’île est couverte de glaciers.
Les précurseurs
Mandaté pour rechercher le continent austral, Yves de Kerguelen découvre le 13 février 1772 l’archipel qui portera son nom. Un de ses officiers prend possession de cette terre au nom du roi de France. Deux ans plus tard, un second voyage, mal organisé et subissant des conditions météo difficiles, ne permet pas de réaliser davantage d’observations, toutefois la pauvreté de l’île est reconnue.
Au cours de sa troisième circumnavigation, le capitaine Cook fait escale à Kerguelen. Lors de l’été austral 1776-1777, Cook décrit ainsi « une île assez petite que, à cause de sa stérilité, j’appellerai avec justesse l’île de la Désolation, si je ne voulais pas enlever à monsieur de Kerguelen l’honneur de lui donner son nom ».
La première moitié du XIXe siècle connaît une grande activité de chasse aux pinnipèdes et à la baleine. Les chasseurs débarquent sur toutes les plages, même les plus exposées, pour traquer les troupeaux d’otaries et d’éléphants de mer. Les navires baleiniers restent deux à trois ans dans les eaux de Kerguelen pour y remplir leurs cales. À la fin de l’année 1874, des expéditions de trois pays différents – Angleterre, Allemagne, États-Unis – sont à Kerguelen pour observer le transit de Vénus devant le Soleil. Au début du siècle, les frères Rallier du Baty effectuent deux expéditions leur permettant de cartographier l’essentiel des côtes. La recherche scientifique prend ainsi le pas sur l’activité commerciale.

L’exploitation des îles subantarctiques
L’industrie baleinière
Au fur et à mesure de la raréfaction des cétacés dans l’hémisphère Nord, les baleiniers ont entrepris des incursions dans le Sud. Des installations de traitement ont été mises en place dans de nombreuses îles : la Géorgie du Sud en comptait sept à elle seule, norvégiennes puis argentines et enfin japonaises. La première installation eut lieu en 1903. Jusqu’en 1930, la chasse ne fut pas limitée, se développant aussi à partir de navires-usines. Devant le risque d’extermination des baleines, des conventions furent signées afin de recenser les captures et de limiter les prélèvements. Au cours de la saison 1949-1950, 32 396 baleines furent capturées en Antarctique, dont 6 182 bleues. En 1960-1961, 41 127 prises furent réalisées. En 1946-1947, les stations de Géorgie du Sud traitèrent à elles seules 2 550 baleines, dont 326 bleues. À cause de la dispersion des cétacés, les navires-usines devinrent plus efficaces que les établissements à terre, qui fermèrent définitivement en 1965. Dans les premiers temps de cette industrie, seul le lard était utilisé pour la fabrication d’huile, qui servait notamment à l’éclairage. Au cours des dernières années d’exploitation, la baleine était transformée dans sa totalité, la viande et même les os servant à fabriquer des aliments pour le bétail.
Une tentative agricole
En 1893, les frères Bossière obtiennent la concession d’exploitation des îles Kerguelen. À la fin de 1912, quatre bergers s’installent à Port-Couvreux et érigent des bâtiments. Courant 1913, un millier de moutons est transporté des Malouines mais nombre d’entre eux périssent en route. La Première Guerre mondiale entraîne le rapatriement du personnel et l’abandon du troupeau, qui ne survit pas. En 1922, trois éleveurs reviennent à Port-Couvreux. Un cheptel ovin est réintroduit mais, le fourrage se faisant rare, les brebis ne survivent guère et la mésentente surgit entre les familles, jusqu’à laisser un décès inexpliqué.
Par ailleurs, une conserverie de langoustes a été installée en 1928, sur l’île Saint-Paul, à mille quatre cents kilomètres de Kerguelen. Elle emploie cinquante Bretons et deux fois plus de Malgaches. Au dire de visiteurs, le personnel est logé dans des locaux exigus. Les lieux sont sales, les rebuts de la conserverie traînent autour des baraquements et aucune tentative de culture n’est faite. En mars 1931, une épidémie de béribéri se déclare. Le navire Austral, présent à Kerguelen, est appelé de toute urgence. Il rapatrie en même temps le personnel restant de Port-Couvreux, scellant ainsi le destin de cette tentative de colonisation de l’archipel.
Les bases scientifiques
La base Alfred-Faure a été fondée durant l’été 1962-1963 sur l’île de la Possession. Installée sur un plateau dominant de cent trente mètres la baie du Marin, elle est le plus souvent balayée par le vent. De la plage, le transport du matériel s’effectuait grâce à un téléphérique aujourd’hui remplacé par une route sinueuse. Les bâtiments espacés donnent l’aspect d’un hameau hétéroclite. D’anciennes baraques Fillod jouxtent un édifice en construction, futur laboratoire d’études biologiques. Des ateliers permettent l’entretien du matériel ; un bâtiment de vie commune regroupe les cuisines, le réfectoire et des salles de loisir tel un cinéma, un laboratoire photographique et une bibliothèque… Une station météorologique, ainsi que les laboratoires d’ornithologie, de biologie et de géophysique sont la raison d’être du lieu. La trentaine de membres du personnel communique avec l’extérieur par radio.
D’une île à l’autre, la taille des bases varie. À l’île Bird, en Géorgie du Sud, trois scientifiques britanniques présents pour deux ans et demi vivent dans un bâtiment petit mais fonctionnel. Leur équipe est doublée durant les mois d’été. Port-aux-Français, à Kerguelen, peut accueillir jusqu’à cent vingt personnes en poste pour une année. Le ravitaillement et la relève sont effectués par cargo. Par année, l’île Marion est ainsi desservie deux fois tandis que Kerguelen reçoit six à douze visites, du ravitailleur, de bâtiments de la Marine nationale ou de chalutiers.

Par Patrick Fradin & Christophe Houdaille
Texte extrait du livre : Îles des Quarantièmes, Visions de navigateurs au long cours
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