Collection « Sillages »

  • Treks au Népal
  • La 2CV vagabonde
  • Ísland
  • Habiter l’Antarctique
  • Cavalières
  • Damien autour du monde
  • À l’ombre de l’Ararat
  • Moi, Naraa, femme de Mongolie
  • Carpates
  • Âme du Gange (L’)
  • Pèlerin de Shikoku (Le)
  • Ivre de steppes
  • Tu seras un homme
  • Arctic Dream
  • Road Angels
  • L’ours est mon maître
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Cavalier des steppes
  • Odyssée amérindienne (L’)
  • Routes de la foi (Les)
  • Aborigènes
  • Diagonale eurasienne
  • Brasil
  • Route du thé (La)
  • Dans les pas de l’Ours
  • Kamtchatka
  • Coureur des bois
  • Aux quatre vents de la Patagonie
  • Siberia
  • Sur la route again
  • À l’écoute de l’Inde
  • Seule sur le Transsibérien
  • Rivages de l’Est
  • Solitudes australes
  • Espíritu Pampa
  • À l’auberge de l’Orient
  • Sans escale
  • Au pays des hommes-fleurs
  • Voyage au bout de la soif
  • Errance amérindienne
  • Sibériennes
  • Unghalak
  • Nomade du Grand Nord
  • Sous l’aile du Grand Corbeau
  • Au cœur de l’Inde
  • Pèlerin d’Orient
  • Pèlerin d’Occident
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Au vent des Kerguelen
  • Volta (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Atalaya
  • Voie des glaces (La)
  • Grand Hiver (Le)
  • Maelström
  • Au gré du Yukon
Couverture
La mort du maître :

« Retardé par la naissance de mon fils, je n’ai pas repris le chemin des bois avant les fêtes de novembre. La veille du 7, le gel a saisi d’un coup l’Ienisseï. Maintenant, on pouvait le traverser à pied. Mais j’avais un traîneau lourd, la glace était ravinée et j’aurais risqué gros à percer seul une piste sur près de 3 kilomètres. Il m’aurait fallu pour cela non seulement une force et une santé d’hercule, mais aussi plus d’expérience dans l’art de briser les hummocks et de flairer les trous d’eau. Or ces trous sont traîtres et peuvent se cacher durant plusieurs jours sous une fine pellicule de givre habillée de neige… Et pourtant la tentation est grande d’y poser le pied quand on s’escrime à se tailler un passage à la cognée à travers des arêtes de glace. Vérifier la glaciation des trous, cela demande un œil affûté.
Le 12 novembre, j’espérais encore un compagnon de route. Le gel sévissait et, le long de la rive, la première glace bordière se brisait déjà sous la pression du fleuve gelé. J’allais tous les matins au siège du promkhoz dans l’espoir de trouver un volontaire pour percer une piste vers l’embouchure de la rivière Issakovka, sur l’autre rive. Jusqu’au jour où, à peine arrivé, j’ai été convoqué par la directrice. C’était un bureau où tenaient tout juste une table, un placard et deux paires de chaises. Il y avait là Euphrosyna Sokolova, une vieille femme que je connaissais bien. Elle habitait à quelques maisons de la mienne, à l’autre bout de la rue.
On me convoquait pour une raison toute spéciale. Andreï Sokolov, le mari d’Euphrosyna, s’était retiré dans la taïga dès le début du mois de septembre. On l’avait déposé en canot à l’embouchure de la Haute-Sournikha, où se trouvaient depuis toujours les terres de trappage des Sokolov avec une izbouchka bien faite, spacieuse, dotée d’un poêle de pierre maçonné, le seul du genre aux alentours, car partout ailleurs on utilisait depuis longtemps les “boîtes en fer”, poêles légers, pratiques, qui chauffaient la pièce sitôt allumés.
Femme tranquille aux gestes lents et au visage creusé de rides profondes, Euphrosyna se tenait droit sur sa chaise en face de la directrice, l’air fier (m’a-t-il semblé), ses mains durcies par l’âge posées sur ses genoux. De sa voix douce, caverneuse, elle expliquait que son mari était allé dans la taïga pour y mourir. Il l’avait dit comme ça : si on ne le voyait pas revenir d’ici le mois de novembre par les premières glaces du fleuve, ça voulait dire qu’il était mort et qu’il fallait aller l’y chercher. Elle parlait d’une voix pleine d’assurance comme s’il s’agissait d’un fait accompli, irréversible, et qu’elle s’y était préparée. Ce disant, elle restait calme, les yeux secs, et tout en elle donnait à sentir la force intérieure d’une simple Sibérienne habituée à faire face aux pires vérités.
Apparemment, Euphrosyna et la directrice se parlaient depuis longtemps : déjà trois mégots fraîchement grillés dans le cendrier. C’était donc que, de bon matin, la vieille femme avait guetté Alexandra Ivanovna pour la convaincre d’envoyer chercher Andreï Izokilovitch. Comme je devais ouvrir un passage à travers l’Ienisseï jusqu’à l’Issakovka, le choix tombait sur moi. Il faut dire aussi qu’il ne restait plus d’hommes au promkhoz, tous les moujiks étant partis trapper depuis longtemps. Pour m’épauler, on mettait à ma disposition une jeune employée du bureau qui servait de femme à tout faire et veillait aux poêles. “De toute façon, il n’y a personne d’autre que toi. Et puis tu habites près de chez Andreï, c’est lui qui t’a appris à faire les canots et les skis, alors maintenant à toi de t’en débrouiller.” Sur ces bonnes paroles, on m’a dit au revoir.
J’ai fait mes préparatifs en m’équipant du nécessaire pour la traversée – deux pics et une paire de haches – et, le lendemain matin, nous entamions déjà une piste à travers l’Ienisseï. Avec un traîneau rozvalni tiré par le cheval hongre Kouzma, nous sommes passés en deux heures avec une facilité inattendue, ouvrant le chemin jusqu’à la glace plane de l’autre rive, en aval de l’lssakovka. Ayant laissé mon équipière rentrer à pied, j’ai filé prestement en amont sur une plaque bordière saupoudrée de neige fraîche.
De l’embouchure de l’Issakovka à celle de la Haute-Sournikha, il n’y avait qu’une trentaine de kilomètres. Je pensais faire vite, mais un désagrément s’est produit à l’approche de la rivière Naparina. Par ignorance, je ne m’étais pas inquiété des regimbements de Kouzma et l’avais forcé à pousser plus loin sa course sur une glace que je croyais solide. Or, soudain, le cheval s’est retrouvé dans l’eau jusqu’à mi-jambe et a pirouetté vers la rive. Le traîneau a sombré. Les eaux traîtresses des glaces bordières ! Alors j’ai tourné bride et ramené le cheval sur la plaque ferme, mais le gel et la neige ont fait leur œuvre : patins et traîneau ne formaient bientôt plus qu’un glaçon monolithe. Il a fallu dételer et renverser l’attelage, lourd en diable, pour faire tomber la glace à la cognée. En vain. Cognant tantôt sur un bord, tantôt sur l’autre, je me suis démené longtemps contre la neige qui était prise, dure et collante. Quand enfin j’ai pu libérer les patins, j’ai attelé Kouzma et poursuivi la marche au plus près des crêtes de compression pour éviter la plaque perfide. Comme il ne restait plus que deux heures de clarté, mes espoirs de revenir au village le jour même se sont aussitôt envolés.
J’ai atteint la Sournikha peu avant la tombée du jour. Coupée de rapides à son embouchure, la rivière était hérissée d’hummocks, et je savais qu’il me serait impossible de la remonter jusqu’à l’izbouchka. Je savais aussi que, depuis des temps anciens, une sente y conduisait à flanc de coteau, taillée exprès pour le passage des chevaux. J’ai battu la rive dans un sens, puis dans l’autre, pour tenter de repérer la trouée d’en bas, mais le mur gris de la taïga barrait la pente de part en part, monotone, recouvert de poudreuse, sans la moindre percée visible. J’ai donc poussé Kouzma dans un pré qui se dessinait vers la rivière. Mais je n’avais pas plus tôt engagé mon cheval en m’enfonçant dans la neige jusqu’aux genoux qu’il s’est mis à tirer obstinément sur la gauche. Cette fois, j’ai donné libre cours à sa lancée en me disant qu’il connaissait le terrain et qu’il saurait peut-être trouver la route.
Bien m’en a pris. Passé un rideau de sapins foisonnants, j’ai vu s’ouvrir un layon plutôt bien dessiné qui prenait la montée en direction de l’izbouchka. C’était la route. Je m’y suis engagé en me forçant à penser qu’il n’était rien arrivé de grave à Andreï Izokilovitch et que j’allais bientôt tomber sur sa piste de ski. Je me disais : “Un chasseur de son âge, expérimenté comme il est, forcément, aura compris qu’il est difficile de traverser l’Ienisseï par-dessus les hummocks, et il aura attendu qu’un premier chemin soit percé dans la glace.” La côte à peine franchie, j’ai trouvé une foule d’empreintes imprimées sur la route.
À les regarder de plus près, j’ai reconnu des traces de chiens. Dès que la piste a dévié du cours d’eau, deux grands laïkas bondissants se sont rués sur moi. Ils étaient nerveux, s’en prenaient au traîneau, sautaient, gémissaient, me léchaient le visage. Enfin, d’un même élan, ventre à terre, ils ont filé droit devant. Un comportement inhabituel. Pas une trace de ski en vue. Inquiet, j’ai senti mon cœur s’alourdir d’un pressentiment.
Arrivé à l’isba, j’ai attaché mon cheval. Les chiens avaient piétiné la neige autour de la cabane. La porte était griffée de partout, et les rondins, dans l’encadrement, rongés sur les tranches : les laïkas avaient tout fait pour pénétrer dans l’izbouchka. Bien tassée devant l’entrée et imbibée d’urine de chien, la neige était changée en glace. Pour ouvrir, j’ai dû casser le “verrou” à la hache. Quand j’ai tiré la porte, j’ai reçu de l’intérieur une giclée de gelée blanche.
Dans un rai de lumière blafarde qui trouait la pénombre par le cadre de l’entrée m’est apparu, posé sur une couchette en bois, un long cercueil avec un homme dedans. Le couvercle était là, posé sur le sol. Les chiens ont fait irruption dans l’izbouchka, hurlant, se jetant sur le banc-couchette, et j’ai eu bien du mal à les faire sortir.
Tourmenté, je me demandais quoi faire. L’obscurité approchait. À l’évidence, je devais remettre le retour au lendemain, mais je n’avais rien pris pour passer la nuit dans le froid. L’izbouchka renfermait un défunt gelé, et je me disais que la chaleur risquait de l’abîmer.
Je suis sorti de l’isba en prenant soin de bien refermer la porte. J’ai dételé Kouzma et l’ai attaché à l’entrée, avec une botte de foin. Le temps de vaquer à mes tâches, la nuit est tombée tout à fait. Dans la cabane, j’ai allumé une lampe et regardé autour de moi. Blanchi par le gel, le visage tranquille d’Andreï Izokilovitch avait la barbe constellée d’un givre cristallin. J’ai deviné qu’à sa mort, la chaleur s’était échappée de son corps en laissant le frimas pailleter sa poitrine et sa face. Je me suis signé, j’ai enveloppé le défunt d’une couverture avec une peau de renne par-dessus pour empêcher sa face de dégeler dans la nuit, puis j’ai fermé le cercueil avec son couvercle et mis le poêle à chauffer, fait fondre une marmite de neige, décroché un petit sac de pain sec soigneusement pendu à une perche, et fricoté une pâtée qu’une fois refroidie j’ai donnée dehors aux chiens. Après quoi je me suis occupé de mon dîner, mais je n’avais pas faim.
J’ai passé la nuit presque entière assis à songer à la vie et à la mort du maître de Yartsevo dont je savais beaucoup de choses instructives non seulement par les dires des chasseurs, mais aussi par lui-même.
Dans l’art de fabriquer les canots et les skis à semelles de peau, Andreï Izokilovitch passait pour le meilleur maître des environs. Pendant la guerre, il avait bénéficié à ce titre d’une affectation spéciale : outre les canots et les skis, il était chargé d’apprêter des peaux, de faire des filets, de chasser et de pêcher.
Je m’étais risqué à lui demander de m’apprendre à fabriquer des skis. Comme je m’y attendais, il avait refusé tout net en alléguant son grand âge, l’absence de matériaux et l’inutilité de la tâche. Mais nous vivions en voisins, et j’ai pu me rattraper. À la moindre occasion, j’allais le voir pour lui parler de chasse et de tout ce qui tournait autour. Pour commencer, le vieux maître m’avait confié sa façon de corroyer le cuir de veau, de bœuf et d’élan. Il possédait dans sa cour un foulon rudimentaire, mais très pratique, fait d’une bille de mélèze dont la taille permettait de mouliner la moitié d’une grande peau trempée pour l’étirer après grattage et tannage.
À mon grand étonnement, il fallait presque cent jours pour apprêter un cuir propre à la fabrication d’une bonne paire d’itchigui ! L’épilage se faisait de préférence par trempage dans une solution de cendre d’écorce de tremble. Le grattage était une affaire de patience et d’expérience qui prenait beaucoup de temps pour ne laisser “ni mouillure ni roideur”. Le grattage à l’écorce de saule et de sapin donnait un cuir rougeâtre ou brun foncé, et même noir quand on y ajoutait une solution tannique à base de clous rouillés ou de scories de fonte. Pour les talons de bottes, on trempait une peau de bœuf déjà tannée dans une solution d’écorce de bouleau, aubier compris.
Il m’avait montré une paire de sary de sa confection, vieille d’une quinzaine d’années déjà. C’étaient des cuissardes en peau de cheval, la fourrure retournée au-dehors. À Yartsevo, les bottes à longues tiges en caoutchouc n’étaient apparues qu’après-guerre. La pêche au filet du tugun, petit corégone à la chair délicate, se faisait à l’automne, aux premières gelées, quand le poisson allait frayer, et c’était pour ces pêcheurs qu’Andreï Izokilovitch fabriquait les sary. Il mettait la peau de cheval à fumer dans des bains de vapeur, en été, de longues semaines durant. Une fois boucanée, elle devenait souple et totalement imperméable. La botte ne tenait qu’à une seule couture faite avec un tendon de renne ou d’élan qui gonflait dans l’eau, la rendant étanche. Les pêcheurs enfilaient d’abord de longs bas tricotés avec du crin de cheval, puis chaussaient les sary par-dessus et passaient ainsi des heures entières à manier les filets, debout dans l’eau glacée.
Quant aux skis de l’Ienisseï à semelles de peau, c’était tout un art. La “deuxième paire de pieds du chasseur”. La taïga de l’Ienisseï a ceci de particulier qu’il y tombe une neige légère, duveteuse, qui souvent ne bouge pas de l’hiver. Et le ski doit être tendu avec finesse pour “rebondir sous la jambe” et alléger la marche sur la poudreuse.
Pour menuiser un ski, Andreï Izokilovitch taillait une planche dans le bois parfait d’un sapin régulier, juste derrière l’aubier. C’était la partie la plus solide du tronc, non mouchetée de résine. Il ne travaillait qu’à la plane, droite ou concave. Il laissait un demi-centimètre d’épaisseur à la spatule et au talon, arrondis aux extrémités, et 2,5 centimètres au patin (sous le pied). À l’arrière du patin, il ménageait une cambre de 3 ou 4 centimètres. La spatule était cintrée sur un moule mécanique et rigidifiée à la chauffe. Ceci fait, il collait la semelle en peau de renne. Le ski “marchait” parce que le talon et une partie du patin s’enfonçaient dans la neige sous le poids du chasseur. Dès qu’on levait le pied, la cambre faisait ressort sous le patin pendant que le talon, en se détendant, poussait la planche, d’autant que le poil empêchait tout recul. Le ski “jouait” ainsi à se propulser lui-même dans son sillon de neige, aidant le chasseur à avancer.
J’avais fabriqué mes propres skis de chasseur avec l’aide du maître, mais, faute de pouvoir manier les planes à la perfection, je m’étais contenté d’un outil plus familier, le rabot. Puis il m’avait initié en détail à des choses toutes simples et pourtant essentielles dans la construction d’un canot de l’Ienisseï. Pour les bordages, par exemple, il valait mieux débiter les planches à la main dans le tronc d’un cèdre, avec une scie, couche après couche. Quant aux œuvres vives, on les bordait “de biais”, la fibre des planches allant du cœur à l’extérieur. Ceci parce qu’en naviguant dans les glaçons ou les cristaux flottants, le bois résistait, glissait mieux et ne donnait pas prise à la glace. La longueur de l’esquif devait se situer entre 7,50 et 9 mètres pour tenir à cheval sur deux vagues au lieu de piquer dans une seule quand les vents d’aval soulevaient de furieux rouleaux. Et tant de petites choses encore sur les clous forgés de différentes longueurs, le choix des racines de sapin pour faire la membrure, l’équarrissage des planches et une foule d’autres détails…
La lampe jetait une lueur livide sur le bord marron clair du cercueil. Les chiens dormaient dessous, si longtemps privés de chaleur qu’ils ne pouvaient s’en rassasier. Et moi qui me tenais là, assis, incapable d’accepter l’idée qu’il n’était plus de ce monde et que je n’entendrais plus jamais sa voix tranquille au grain rauque. Je gardais de lui l’image d’un homme robuste comme une souche de mélèze que des années de privations n’avaient en rien entamé, celle d’un maître aux doigts agiles et noueux plantés sur des mains fortes qui avaient accompli tant et tant de choses utiles aux autres en cette terre de taïga.
Pourquoi avait-il choisi de quitter ainsi la vie ? Quelles avaient été ses pensées au fin fond des bois tout le temps qu’il s’était soigneusement taillé ce cercueil de cèdre, son lit de mort ? Comment avait-il passé les derniers jours, les dernières heures de sa vie ? Nul ne le saurait jamais. Toute une existence consacrée au bien des gens qui vivaient près de lui. Ses joies et ses peines, il les avait confiées à Père Ienisseï et à Mère Taïga, sa nourrice. Puis il avait reçu la mort en laissant la vie s’échapper de sa chair périssable vers les libres espaces qui se dispersaient dans l’infini par les monts et les vaux de la sylve, à perte de vue.
À l’aube, j’ai fait le tour de l’izbouchka. À l’écart, j’ai avisé un carré de neige piétiné par les laïkas. Il y avait près de là une fosse garnie de glace avec des fragments de fourrure, des os rongés, des taches brunes. J’ai compris qu’il s’agissait d’une glacière qui contenait du poisson et des quartiers de renne. Les chiens, privés de leur maître, s’étaient nourris de ces reliefs. J’ai eu toutes les peines du monde à extraire le cercueil de l’isba, puis à sortir le défunt pour le remettre en bière. Sans laisser le moindre interstice, le couvercle s’est emboîté pile sur les tenons du cercueil.
J’ai fixé solidement le cercueil au traîneau, attelé le cheval et pris le chemin du retour sur ma propre trace. En route, je me demandais ce que j’allais dire à Euphrosyna. Et comment rendre compte à la directrice ? Mais tout s’est fait simplement. Le cercueil a été porté dans l’isba des Sokolov sans paroles inutiles. J’ai regagné l’écurie, rangé le traîneau et dételé le cheval pour le remettre au palefrenier. Ni questions posées ni signes de curiosité. J’en étais très intrigué. Je ne suis pas allé aux obsèques, me sentant gêné et même coupable d’avoir ainsi pris part à la mort du vieux maître. »
(p. 229-236)

Scrogneugneu (p. 403-413)
Une vie de loup (p. 485-494)
Extrait court
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