Interviews


Langar – vallée du Wakhan (Tadjikistan)
Année 2011
© Richard Valverde

Benjamin Valverde – La diagonale des fous
propos recueillis par Émeric Fisset

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Quand vous repensez à la traversée de trois continents à vélo, quelle est l’anecdote qui vous vient à l’esprit ?
L’étonnant constat que les moments les plus difficiles dans ce périple furent le premier et le dernier jour. Le premier parce que l’on se lance dans l’inconnu et l’incertitude permanente propre à l’errance. Le dernier, parce qu’après deux années à contempler chaque matin un paysage sans cesse renouvelé, on craint l’idée de voir l’horizon se figer. Entre ce premier et ce dernier jour, il y a bien sûr eu de nombreux moments difficiles lors des étapes de nuit au Tibet par exemple, mais nous les avons toujours traversés sans éprouver le moindre doute. Nous avons toujours choisi d’emprunter la route la plus difficile car c’est souvent celle qui a le plus à offrir.

Vous dites être ressorti plus fort de cette aventure, quelles étaient vos craintes avant de partir ?
Comme beaucoup d’autres, j’ai grandi dans une société où « voyager » sous-entend bien souvent de prendre un avion pour rallier une destination lointaine en quelques heures. C’est paradoxal, mais on entend ainsi voyager à travers le globe tout en se dédouanant de ses contraintes géographiques. Enfourcher un vélo pour arpenter trois continents, c’est faire le choix d’affronter la géographie et ce qu’elle peut avoir de plus rude : les montagnes, les déserts, les climats extrêmes… Il serait présomptueux de ne pas éprouver de crainte face à ce qui peut avoir raison de vous sur votre petit vélo.

L’écriture vous a-t-elle permis une prise de conscience sur la portée de votre voyage ?
La lecture est souvent le prélude à l’aventure. L’écriture en est l’aboutissement. Lorsque l’on a eu la chance rare d’avoir « pris » à vélo 26 000 kilomètres à trois continents en portant chaque jour ses yeux sur le spectacle du monde, on se doit de le donner à lire le plus justement possible. L’exploit des kilomètres abattus à la force des jambes n’a que peu de sens sans la beauté du monde qui lui a servi d’écrin. Écrire un récit permet de trouver cet équilibre entre l’aventure accomplie et la noblesse de la géographie dans laquelle elle s’inscrit. J’espère que Diagonale eurasienne servira de prélude à d’autres voyageurs.

Un pays qui vous a particulièrement marqué ?
Plus que par un pays, j’ai été touché par les régions qui n’appartiennent pas à l’homme. Que ce soient les pistes du désert australien, les hauts cols de l’Amdo et du Kham, les sables du Taklamakan, ces royaumes hostiles ne font que tolérer votre passage. Dès que l’on s’y engage, toute l’énergie est consacrée à en sortir pour ne pas y périr. Et à peine a-t-on quitté ces lieux qu’on éprouve l’envie d’y retourner pour ressentir à nouveau leur puissance. Ces endroits nous donnent à toucher une autre échelle du temps et de l’espace que ceux des hommes. Ce monde de titans me fascine.

Quel livre recommanderiez-vous à quelqu’un qui veut suivre votre parcours ?
L’Ombre de la route de la soie de l’écrivain-voyageur Colin Thubron. Un bel ouvrage qui emprunte quelques-uns des arpents des routes d’Asie centrale où nous avons mené nos vélos, avec cette classe britannique en plus, mais l’effort physique en moins !
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