Interviews


Cannes (France)
Année 2007
© Matthieu Raffard

Matthieu Raffard – Une pensée en images
propos recueillis par Matthieu Delaunay

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À quand remontent votre appétit et votre passion pour la photo et l’image ?
Enfant, j’ai passé pas mal de temps dans la bibliothèque familiale à analyser le contenu de chaque cliché d’une Anthologie du photojournalisme. À l’école, je n’étais pas très bon à l’écrit et m’exprimais mieux avec des schémas, des dessins. Rapidement, j’ai préféré dire ce que je pensais en images. En vacances, mon père me prêtait son reflex et je photographiais : les temps forts de notre séjour mais aussi certains détails qui m’intriguaient… Petit à petit, je me suis aperçu que je remarquais certaines choses que d’autres ne voyaient pas. Au lycée, je me suis inscrit au club photo et, de fil en aiguille, je me suis retrouvé sur les bancs d’une école d’art.

Couleur, noir et blanc : quand ? Pour qui ? Pourquoi ?
La photographie, c’est avant tout une captation d’un moment dans l’espace et dans le temps. C’est la possibilité incroyable de délimiter une séquence dans le champ de notre réel pour pouvoir, plus tard, la redécouvrir. C’est cela, le véritable miracle photographique. Les photographies en couleurs et celles en noir et blanc sont donc fondamentalement assez semblables, bien que les premières demandent à ce que l’on soigne énormément la composition tandis que les secondes exigent une attention permanente aux ombres et aux lumières.

Que vous reste-t-il à apprendre et à prendre en photo ?
Tout. Il n’y a pas un jour de ma vie où je ne me dise pas que je suis au tout début de mon apprentissage. La soif photographique ne se tarit jamais, et même lorsque je n’ai pas d’appareil avec moi, je ferme un œil et je me mets à photographier mentalement ce que je vois. Regarder, c’est une action typiquement humaine, pleine de mystère et de sagesse. C’est pour cette raison que je lis un maximum d’écrits autour de cette notion afin de mieux comprendre ce qui se passe lorsque je déclenche l’obturateur de mon boîtier.

Comment définiriez-vous la ligne générale de votre travail ?
Mes sujets sont assez variés, même si dans le fond ils tentent tous à leur manière de répondre à un questionnement intérieur. Je me laisse en général une certaine liberté dans ma manière de les traiter parce que je sais que ce qui m’intéresse, c’est toujours un peu la même chose : le regard, le geste, la lumière, l’équilibre et la tension… Après, c’est l’attention aux détails, à la composition, à l’agencement des lignes de force qui font que la série apparaît cohérente et structurée.

Pour quelles raisons les écrits de Jack Kerouac vous touchent-ils ?
Ce que cherche Kerouac lorsqu’il est sur la route, c’est à rejoindre la frontière de sa conscience. Il conduit des heures durant sans dormir et se bourre d’amphétamines afin de connaître un peu mieux le mystère de son être. Il a essayé de donner une nouvelle dimension au voyage et à l’exploration en plaçant la notion de frontière non plus dans l’espace géographique, mais bel et bien au cœur de notre existence. C’est grâce à lui qu’un café sur le bord d’une nationale française peut devenir aussi surprenant et inhabituel que l’ascension d’un sommet des Andes.
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