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Quel avenir pour les nomades mongols ?
par
le mercredi 5 mars 2008 à 20 heures 30


Au centre de la Mongolie, dans l’Arkhangaï, se situe le district de Bulgan. C’est une large vallée qui entaille de hauts plateaux. La vie y est paisible, rythmée par les saisons, les fêtes et les mariages. On y habite à l’abri des vents et un peu à l’écart des circuits touristiques. La région est peuplée d’éleveurs semi-itinérants, qui se déplacent en fonction des saisons mais en gardant, selon un droit coutumier, les mêmes parcours d’année en année. Parmi les éleveurs, il y a Batcholo, qui vit l’été avec sa femme institutrice et ses quatre filles aux abords du village de Bulgan, le chef-lieu du district. L’hiver, ils installent leur yourte au cœur même du bourg où les plus jeunes filles étudient. Les aînées s’en vont alors étudier à l’université d’Oulan-Bator, la capitale.
Le cours de la vie des Batcholo témoigne aussi de celui de la vie du pays. En 1990, le système communiste s’effondre. Les infrastructures campagnardes sont pillées et abandonnées. Les biens collectifs et les animaux des fermes coopératives sont distribués de manière inégale. À plus grande échelle, les exploitations minières sont également bradées et une élite se partage la richesse du peuple. L’argent est roi ; la nature entre dans le cycle du commerce aux dépens des valeurs traditionnelles qui lui vouaient un grand respect. Les richesses minières peuvent permettre au pays de se développer mais l’or est si précieux que, pour l’obtenir, les hommes pollue une autre ressource précieuse : l’eau, rare en ce pays. De même, le bois est coupé illégalement et exporté en Chine. Mais il faut bien vivre ! Beaucoup de fonctionnaires sans travail quittent les villes pour revenir à un mode de vie plus traditionnel. L’installation de ces nouveaux éleveurs crée des tensions. Ils occupent des pâturages d’été, empêchant la régénération de l’herbe qui pousse seulement trois mois dans l’année. On trouve aussi, dans le district de Bulgan, beaucoup d’éleveurs en provenance de la province de Bayankhongor, plus au sud. Cette région, qui empiète sur le désert de Gobi et a subi des hivers rudes, a vu une partie de ses éleveurs émigrer, notamment jusqu’à Bulgan afin de trouver des pâturages plus riches. Dans le Bayankhongor, l’avancée du désert se fait sentir et les esprits sont marqués par les catastrophes hivernales des hivers 1999, 2000 et 2001. La sécheresse estivale et les hivers rigoureux ont causé la perte de milliers de têtes de bétail. Ne bénéficiant pas de l’aide des coopératives, ignorant la gestion coutumière des troupeaux, beaucoup des nouveaux éleveurs furent contraints de rejoindre la capitale. Ils échouent dans les faubourgs et souffrent du chômage, de l’ennui et de l’alcoolisme. Oulan-Bator est devenue le pôle d’attraction national, d’où les jeunes espèrent s’extraire d’un monde rural livré à lui-même. Même si quelques irréductibles pensent que cette ville, où les conflits d’intérêts et les inégalités sociales reflètent notre mondialisation, est invivable, des milliers de migrants continuent de s’y masser.


Matthieu Mounier, étudiant en cinéma, a séjourné cinq mois en Mongolie pour tourner le film Regards d’ailleurs. En compagnie de Phanette Barral, étudiante en agronomie, il a cherché à partager les gestes quotidiens pour retransmettre une image sincère de la vie nomade. Avec l’envie de découvrir l’histoire par des témoignages, la caméra de Matthieu Mounier a capté dans la famille de Batcholo l’histoire intime, tissée de moments simples. C’est ainsi que dans chaque geste se ressent la tradition, encore bien en place après soixante-dix ans de dictature communiste. Regards d’ailleurs, qui laisse entrevoir des signes d’espoirs, des moments d’insouciance et de bonheur poétique sincère, évoque quelques-unes de ces problématiques en donnant de la place au silence pour permettre aux images de parler d’elles-mêmes.




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DVD de l’intervenante en rapport avec cette conférence :
Regards d’ailleurs


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