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Le Bangladesh, berceau du microcrédit
par
le mercredi 24 octobre 2007 à 20 heures 30


Le microcrédit est né au Bangladesh à la fin des années 1970 avec pour objectif d’aider les plus démunis à sortir de la misère. D’après les chiffres de son dernier sommet mondial, à Halifax en novembre 2006, ses bénéficiaires sont passés de 7 millions en 1998 à 110 millions.
En 1979, le Bangladais Muhammad Yunus, alors professeur d’économie, crée la Grameen Bank, destinée aux nécessiteux qui veulent entreprendre. Les prêts sont minimes, de l’ordre de deux euros, mais ils suffisent à démarrer un petit commerce. Au Bangladesh, deux euros permettent d’acheter une poule et un coq ; toute une richesse ! Grâce à ce couple de volatiles, on ouvre boutique et, avec le fruit de la vente des œufs, il est possible de rembourser, peu à peu, le crédit de départ et de réaliser, de surcroît, un petit bénéfice. Le microcrédit est un système dans lequel tout le monde gagne : la banque gagne de l’argent grâce aux intérêts et l’emprunteur trouve enfin les moyens de lancer un commerce qui a toutes les chances de prospérer. Aussi qualifie-t-on Muhammad Yunus de « capitaliste philanthrope » !
Avec vingt-cinq années d’exercice, la Grameen Bank détient un taux record de remboursement : 97 %. L’idée qu’il faut faire confiance aux pauvres et que ces derniers remboursent aussi bien, voire mieux, que les riches a toujours été le cheval de bataille de Muhammad Yunus. Il s’est longtemps battu pour la faire accepter : le prix Nobel de la paix qu’il a reçu en octobre 2006, conjointement avec la Grameen Bank, récompense autant l’idée du microcrédit qu’il a su mettre en place dans son pays que la conviction et la ténacité dont il a fait preuve. La Grameen Bank n’a pas pour seule particularité d’être « la banque des pauvres » ; pour bénéficier d’un microprêt, il faut respecter certains principes : suivre les règles élémentaires d’hygiène, être sensible au planning familial, envoyer ses enfants à l’école, privilégier la santé de la famille, etc. Au fil du temps, les femmes s’y sont montrées plus assidues, aussi le microcrédit les concerne-t-il à quelque 95 %.
Autrefois jugée farfelue, l’histoire de la Grameen Bank est aujourd’hui mondialement reconnue. Pour preuve : ses méthodes sont exportées dans plus de cinquante pays. Une question demeure cependant : le microcrédit suffira-t-il à supprimer la pauvreté de notre planète ?


Olga Prud’homme Farges, historienne de formation, s’est rendue pour la première fois au Bangladesh en 1992, dans le cadre d’une campagne de fouilles archéologiques du CNRS. Elle y est retournée deux hivers consécutifs, pour poursuivre l’étude d’un grand site remontant au IIIe siècle avant J.-C. et habité de manière continue sur plus d‘un millénaire. En dépit de l’isolement du lieu, à six heures de bateau de Dacca, la capitale, la jeune archéologue a été surprise de constater à quel point les campagnes du Bangladesh étaient, à travers leurs femmes, actives dans le cadre des programmes de planning familial et, d’une manière plus générale, de lutte contre la pauvreté. De l’histoire ancienne, Olga Prud’homme est ainsi passée à la géographie contemporaine. En l’an 2000, ayant eu connaissance des expériences de microcrédit menées par le professeur Mohammad Yunus de la Grameen Bank, elle entreprend un film sur la remise, à une villageoise du nom de Halima, d’un téléphone portable. Sept ans plus tard, la réalisatrice est retournée voir comment Halima, les siens et sa communauté villageoise avait vaincu l’isolement par le biais de cette expérience, comment les producteurs de riz, directement reliés aux négociants de la ville par le téléphone de Halima et de ses concurrents locaux désormais, avaient pu davantage profiter du fruit de leur labeur. À partir de cette expérience, il est possible de prendre conscience du développement, assorti de confiance en soi, que 12 millions d’emprunteurs sur les 140 millions de Bangladais doivent à la Grameen Bank. Le Bangladesh, pauvre pays accablé de maux naturels – famine, inondations, pauvreté –, a développé un modèle à son honneur, le microcrédit, qui fonctionne et s’exporte.




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