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Voyage dans les quinze républiques issues de l’Union soviétique
par &
le jeudi 11 janvier 2007 à 20 heures 30


Alors que les experts prédisaient son explosion sous la pression de sa périphérie, et notamment de ses cinq républiques fédérées d’Asie centrale, musulmanes, l’Union soviétique qui s’était principalement constituée de 1919 à 1924 a implosé à la faveur de la glasnost et de la perestroïka que Mikhaïl Gorbatchev mena à partir de 1985. À la faveur aussi de la chute du mur de Berlin en 1989 et de la contestation par les républiques baltes du pacte Molotov-Ribbentrop d’annexion signé soixante ans auparavant, les quatorze républiques fédérées à la république fédérative de Russie ont amorcé le combat indépendantiste, qui mena à la proclamation d’États indépendants dès la fin de 1990. Le 26 décembre 1991, l’Union des républiques socialistes soviétiques était officiellement dissoute. Plus vaste État du monde, elle occupait un sixième des terres émergées et s’étendait sur onze fuseaux horaires, de la mer Baltique à la mer Noire et à l’océan Pacifique. La guerre froide prenait fin et une nouvelle ère géopolitique voyait le jour.
D’un point de vue géopolitique, la dislocation de l’URSS a entraîné l’apparition de quinze États indépendants qui, depuis 1991, tentent de se forger une identité nationale. De plus, sa disparition a entraîné la fin d’un monde bipolaire. D’un point de vue économique et social, les réformes introduites au lendemain des indépendances ont majoritairement conduit au chômage et à la hausse de la pauvreté, deux éléments quasiment inexistants auparavant. Nombreuses sont les personnes âgées d’Asie centrale, de Russie ou même d’Ukraine qui restent nostalgiques de l’aide sociale et de l’ordre soviétiques, ainsi que de son ancienne position de superpuissance. En effet, dans les années 1990, le territoire né de l’implosion de l’URSS et les pays d’Europe de l’Est se sont efforcés de mettre en œuvre des thérapies économiques libérales qui, reposant sur une logique de libre marché quasiment incontrôlable, ont eu des conséquences désastreuses. Rares sont les personnes à avoir véritablement profité de cette libéralisation économique.
Quinze ans après ces événements dont on n’a pas fini de mesurer toutes les répercussions, Patricio Diez et Evangeline Masson ont entrepris de parcourir les quinze pays nés de l’éclatement de l’URSS : les trois républiques du Caucase ; les cinq d’Asie centrale ; les trois des rives de la Baltique ; la Biélorussie, l’Ukraine, la Moldavie et, naturellement, la Russie, plus importante des ex-républiques soviétiques, tant du point de vue de sa surface, de sa population que de sa puissance politique. Dans chaque pays, dans les capitales, les villes et les campagnes traversées, ce couple a partagé la vie quotidienne des jeunes générations. Artistes, hommes d’affaires, femmes au foyer, étudiants, agriculteurs ou encore dissidents… c’est autant d’adultes de 20 à 35 ans qu’ils ont suivis et interviewés afin de dresser un portrait de la jeune génération des pays postsoviétiques.


Partis en décembre 2005 de France, Patricio Diez et Evangeline Masson ont passé le nouvel an à Tbilissi entre une vieille église orthodoxe et le parlement géorgien encore estampillé de la faucille et du marteau. À Erevan, l’hiver paraissait moins froid, la vodka réchauffait les cœurs et les jeunes nostalgiques chantaient l’histoire de la Grande Arménie morte. Après avoir découvert l’Azerbaïdjan, porte de l’Asie centrale, et les derricks de pétrole sur la péninsule de Qobustan, le couple s’est embarqué sur un bateau pour traverser la mer Caspienne en direction du Turkménistan. Partagé entre son dégoût du président, le Turkmenbachi, et le sourire en or des femmes, il n’a eu que cinq jours pour découvrir ce pays avant de se laisser bercer par les mille et une nuits d’Ouzbékistan. Là-bas, comme au Tadjikistan et au Kirghizistan, les voyageurs ont pris le temps de déguster en famille des chachlik sur les larges takhta des tchaïkhana. Après la mer d’Aral asséchée et les steppes du Kazakhstan, il leur a fallu remonter vers la Sibérie. D’Irkoutsk, près du lac Baïkal, point le plus oriental de leur route, ils ont rejoint la Russie occidentale en Transsibérien. Ils ont ensuite partagé le quotidien des Moscovites entre appartements communautaires et scènes underground. Les trois nations baltes, si différentes des autres pays du bloc post-soviétique, les ont surpris. La présentation de leurs simples cartes d’identité pour y entrer et les routes d’asphalte aux drapeaux européens tranchaient avec les précédents pays traversés. Leur boucle s’est terminée par la Biélorussie, dernière dictature européenne, l’Ukraine en pleine effervescence nationale deux ans après sa révolution et la petite Moldavie, certes réputée pour ses vins mais oubliée de tous.
Dans chaque pays, Patricio Diez et Evangeline Masson se sont efforcés de vivre selon le niveau de vie local, en famille, en apprenant les rudiments de la langue officielle et en adoptant les coutumes. Ils n’ont pas hésité à sonner chez l’habitant ni à aborder des jeunes à l’université ou dans les champs pour partager une journée ou une heure de leur vie quotidienne. Avec l’un, ils ont goûté un plov et un thé, avec un autre borchtch et vodka, avec un troisième hamburger et Coca-Cola. À chaque fois, Patricio Diez et Evangeline Masson les ont interrogés sur leurs souvenirs de l’URSS, sur leurs rêves et leurs envies.
Existe-t-il, hormis l’Union soviétique dans laquelle ils sont nés, un point commun entre tous ces jeunes adultes ? Comment grandit-on dans un État jeune de seulement quinze années ? Arsen le comédien arménien présente une émission de musique populaire et interprète la nuit des chansons de sa plume dans un bar enfumé alors que Bolot, l’acteur kirghize, incarne aux côtés de Natacha Régnier un jeune tiraillé entre les traditions familiales et ses sentiments pour une étrangère. D’un côté, en Ouzbékistan, Sharnoza supporte un mari machiste qui lui a été imposé ; de l’autre, au Kirghizistan, Djamila a des ambitions politiques. Murat le Turkmène, Vusal l’Azéri et Charchanbek le Kirghize ont tous les trois réalisé leurs rêves : le premier est devenu guide et a financé les études de son frère au Japon ; le deuxième a créé une association contre la corruption universitaire ; le troisième a tout abandonné pour élever 300 yacks dans les steppes arides. Tous ces jeunes, qu’ils soient géorgiens, ouzbeks ou biélorusses, se cherchent, entre les souvenirs des goulags de leurs grands-parents et les regrets de l’Union soviétique de leurs parents, entre les tubes de rock russes et les rythmes traditionnels, entre la démocratie et la dictature, entre les vestiges soviétiques et le capitalisme barbare. Patricio Diez et Evangeline Masson se sont totalement investis dans ce projet qui, plus qu’un voyage, est devenu une véritable enquête.






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