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Kandy (Sri Lanka)
Année 2015
© Nadia Gypteau
Journaliste indépendant, guide et auteur d’ouvrages régionalistes sur la Sarthe. Adepte d’un mode de vie ralenti, et donc de la sieste.

Préambule :


« Aussi loin que je me souvienne, mes premières siestes de bonne volonté sont celles de mes 6 ans, auprès de ma mère, en grandes vacances dans la maison de famille franc-comtoise. De trop belles bulles de bonheur ! Nous n’étions encore que trois frères et, même, l’un de nous ne comptait pas – c’est qu’à 6 mois on dort toute la journée. Il en restait donc deux à qui faire traverser dans le calme cette petite langueur qui va de la dernière pêche du repas au premier verre de grenadine de l’après-midi. Notre maman avait la solution. Elle disposait d’une épatante bibliothèque de gros livres rouges, anciens volumes gagnés de haute lutte par le grand-père à chaque distribution de prix. Elle s’installait dans un creux qui n’appartenait qu’à elle, à la base d’un grand arbre veillant sur les lieux. Un épicéa montagnard qui devait bien faire ses 30 mètres et dont, bien entendu, mon frère et moi n’envisagions pas même la cime. Nous nous coulions contre les flancs de Maman pour entendre les histoires qu’elle distillait ainsi chaque jour. Il y eut notamment Sans famille d’Hector Malot, Les Mésaventures de Jean-Paul Choppart, et quelques romans de la Comtesse de Ségur : Un bon petit diable, L’Auberge de l’Ange gardien… Cette tendre pratique du roman-feuilleton lu à voix haute était un excellent appel à la sieste de plaisir. L’art était dans la manière. Bercés tout à la fois par la voix douce de notre mère et le murmure d’un vent léger dans les branches, nous glissions volontiers avec les petits héros souvent malheureux de ces histoires dans des rêves qui les consolaient. Et nous nous assoupissions lentement au pied de l’arbre, tel le général Dourakine en route pour les eaux de Bagnoles, dans une sorte de mise en abyme que même la Comtesse n’aurait pas imaginée !
Au réveil, un peu plus tard, quand la vénérable comtoise sonnait 4 heures au fond du couloir frais de Grand-Père, l’après-midi avait basculé. Ce n’était plus la torpeur. C’était déjà le premier tracteur retournant à ses foins, les cloches des montbéliardes tintant à la pâture, une moto très loin le long du Dessoubre. Et les verres de grenadine jetant deux flaques de rubis sur la table blanche du jardin. »


Extrait de :

L’Invitation à la sieste, Voyage en plein rêve
(p. 9-10, Transboréal, « Voyage en poche », 2019)

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