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Porche du gouffre de Las Olas, à 2 900 mètres d’altitude – Haut-Aragon (Espagne)
Année 2005
© François Brouquisse
Plasticien et spéléologue, spécialiste du réseau de la Pierre-Saint-Martin.

S’enivrer d’inconnu :


« En lutte contre moi-même, prêt à en découdre avec les éléments, j’éprouve une révolte qui me pousse vers des activités à risque, susceptibles de me procurer un certain effroi. Or parmi elles, seule la spéléo parvient à juguler les forces qui m’habitent, sans me blesser trop fort, voire en faisant émerger en moi quelque chose de positif. C’est aux frontières du néant, pour nous préserver de la destruction et de l’abîme, que la vie attise notre part d’humanité la plus profonde ; et sous terre, isolé de tout, que m’envahit cette plénitude qui me rattache au reste du monde.
Les amateurs d’expéditions souterraines distinguent généralement deux types de courses. Celles dans lesquelles on se contente de visiter des cavités répertoriées, connues pour leur attrait sportif ou esthétique. Et celles consistant à arpenter des espaces vierges, où personne ne s’est jamais aventuré. Une multitude de guides détaillent le parcours des gouffres les plus connus. Accompagnés de fiches techniques et de cartes topographiques, ils ouvrent les entrailles de la terre à tous les publics, du débutant au pratiquant le plus chevronné. Les traversées sont bien sûr prisées : on entre par un endroit et on ressort par un autre. Mais elles représentent une très faible portion du parc souterrain. Dans tous les autres cas, il faut rebrousser chemin. L’expédition peut alors se transformer en un défi moral et sportif… Trop de gouffres, hélas, sont devenus des classiques, pour lesquelles il faut réserver avant d’en effectuer la visite. Le mot “visite” convient d’ailleurs assez mal à la spéléo. Sa connotation touristique fait trop vite oublier les dangers du monde souterrain, qui ne laisse ordinairement aucune place à l’amateurisme. Là encore, seule la notion de risque semble préserver certaines cavités de l’appellation de “classiques”.
Les expéditions qui me sont chères appartiennent à la seconde catégorie. Elles visent exclusivement à s’enivrer de paysages inconnus et revêtent, pour cette raison, la qualification de “premières”. Ce faisant, elles exposent au plus grand danger ; mais dans cette constante intimité avec les extrêmes, ce sont elles aussi qui offrent la plus grande jubilation. Elles forment ce que l’on appelle la “spéléologie d’exploration”. Et parce que rien de grand ne peut être accompli en solitaire, elles supposent de monter un groupe, plutôt réduit, mais un groupe tout de même. La meilleure équipe fonctionne à deux, pour conserver une certaine forme de recueillement. Car la caverne impose silence et respect. Ce n’est qu’à ces conditions que l’esprit de conquête et la fraternité peuvent s’exprimer dans ce monde crépusculaire. »


Extrait de :

L’Attrait des gouffres, Petite incursion dans les abîmes et les méandres de la spéléologie
(p. 11-13, Transboréal, « Petite philosophie du voyage », 2017)

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